![]()
![]()
![]()
![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() Ă€ la manière du documentaire
![]()
EllumyneFaucheuse![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Clean plus, la tondeuse qui rase tout(par Ellumyne et Faucheuse)Patrick ajusta sa cravate. Un assistant en régie décomptait, avec les doigts, les secondes avant la fin du reportage en cours. C'était d'un ennui le plus total. La matinée avait été d'un calme étonnant. Pas d'attaque au couteau, pas d'accident sur l'autoroute... Tout juste une femme ayant glissé sur une peau de banane. Hélas, le journaliste savait que la suite ne s'annoncerait pas mieux. Mais il n'eut pas le temps d'y songer plus que l'antenne lui revenait à nouveau. — On souhaite bien du courage à cet agneau, dit-il avec un sourire aussi faux que son postiche. Dans la Creuse, l'inventivité est de mise. C'est le leitmotiv de Pierre Moulinet, l'inventeur de la tondeuse Clean plus. Explications de notre envoyé spécial. — Déjà ? Le journaliste sur le terrain écarquilla les yeux de surprise une demi seconde avant de se recomposer un visage neutre et d'arborer un sourire de façade. Aujourd'hui, la connexion satellite avec le studio s'était étonnamment bien passée et il ne s'attendait pas à passer à l'antenne avant plusieurs minutes. Il rendit à la hâte la tondeuse au coiffeur qui la récupéra délicatement. — Hum, bonsoir. Je suis ce soir avec M. Pierrot Malescriiitchhss... Qui va nous présenter sa nouvelle invenshhhcrittttchsss… — Pardon ? s'exclama le journaliste. Je vous entend très mal, pouvez-vous réajuster votre micro pour que nos téléspectateurs puissent vous entendre ? — Oh, oui, pardon. Reprenons. Notre coiffeur ici présent vient d'inventer une nouvelle tondeuse révolutionnaire. Et il va nous en faire une démonstration. N'est-ce pas Pierrot ? Le coiffeur mit en route la tondeuse sous l'œil de la caméra qui zooma dessus. — Nous avons là un bien bel objet, commenta l'envoyé spécial. Quarante-sept lames aiguisées qui semblent pouvoir tout cisailler sur leur passage ! Doté d'un incroyable système de réduction de bruit. Le tout pesant moins de 200 grammes ! Je propose que nous observions cette tondeuse à l'œuvre. L'image n'était pas des plus nettes. Étonnamment, de nombreux parasites la zébraient. Patrick se demandait comment cela était possible. Ce n'est pas comme si la liaison se faisait avec un autre pays, situé à l'autre bout du monde. — Excusez-moi… Il vérifia le nom de son collègue sur ses fiches. — Jacques, nous avons une très mauvaise connexion. Les conditions météorologiques sont bonnes de votre côté ? Il couvrit son micro de sa main pour pouvoir parler à la régie. — Il faut arranger cette liaison tout de suite. On va passer pour des idiots. — Oui, nous avonsschriit de très bonchriiiitschssss conschriitditions météo. L'envoyé spécial fusilla sa propre équipe technique du regard, et cette dernière s'empressa de rectifier la position de l'antenne. L'image revint, légèrement saccadée, mais c'était mieux que rien. — Vous me recevez ? Ah ! On me fait signe que oui ! Bien, continuons. Le coiffeur, indécis, tenait sa tondeuse à quelques centimètres du crâne d'un jeune homme, attendant qu'on lui donne l'autorisation de commencer sa démonstration. — Allez-y, la France tout entière vous regarde. Pierrot déglutit, une goutte de sueur perlant sur son front dégarni et il se lança. — Magnifique ! Quelle précision, quelle rapidité ! Chacune des lames coupe les cheveux que la précédente a laissé passer. Aucun cheveu ne peut échapper à la puissance de ces quarante-sept lames combinées ! C'est incroyablement ingénieux ! L'envoyé spécial s'approcha encore plus, faisant signe à la caméra de zoomer encore plus. — Un seul passage suffit pour raser une zone complète. Et regardez la netteté de la coupe ! L'invention était à couper le souffle. Et le journaliste de terrain s'en émerveillait encore plus probablement que n'importe lequel des téléspectateurs. — C'est une tondeuse incroyable que voilà , s'exclama Patrick. C'est exactement ce que disait ma fiche. "La tondeuse Clean plus coupe chaque brin exactement à la même hauteur sans en oublier aucun." Vu qu'il n'y en a plus un seul, je pense qu'on peut dire qu'ils sont effectivement tous pile à la même hauteur ! ajouta-t-il dans un rire plus sincère. L'image grésillait parfois mais elle était plus regardable que précédemment. Pourtant, l'assistante fit des signes à Patrick qu'il avait du mal à interpréter. Il leva les paumes en signe d'interrogation. Elle prononça silencieusement : "Ce n'est pas Jacques !" Mais la lecture sur les lèvres ne faisait pas partie des talents de Patrick et il préféra oublier la demoiselle. — Jacques, pouvez-vous nous en dire plus sur monsieur Moulinet ? Est-il vrai qu'il a eu l'idée de cette tondeuse alors qu'il lézardait dans son jardin ? — Eh bien laissons la parole à Pierrot. — Euh, j'étais sur mon canapé, devant les Ch'tis à Malibu et là , vl'à mon fils qu'arrive et qui m'dit, 'pa, j'veux m'faire la boule à zéro, comme Zidane, mais ta tondeuse, c'est d'la merdouille ! Ni une, ni deux, j'ai eu l'idée d'fabriquer la mienne, de tondeuse, voyez ? — Et c'est comme ça que votre invention est nééééeeeuh. Ouhlà , c'était quoi ça ? — Oh, c'rien. Tout' les s'maines, ça tremble, faut pas vous inquiéter comm' ça voyons ! Patrick et toute l'équipe, interloqués, assistaient à un tremblement de terre assez violent qui secouait toute la bâtisse où se trouvaient tout à la fois Pierrot, le cobaye ainsi que le journaliste de terrain. — Est-ce que tout va bien, Jacques ? Le reporter était extrêmement excité par ce qu'il se passait. Enfin un évènement digne de ce nom auquel assister. Et c'était du direct ! Quelque chose passa devant la fenêtre, plongeant la pièce filmée dans une obscurité inquiétante tandis que les secousses semblaient s'intensifier à chaque seconde. — Mesdames et messieurs, ce qu'il se passe est extraordinaire. Notre équipe est déjà en train d'effectuer la liaison avec les sismologues pour en savoir davantage. Mais nous pouvons d'ores et déjà estimer la secousse à au moins 5 sur l'échelle de Richter, mentit-il, alors qu'il fallait bien commenter l'évènement inattendu. — Je.. Nous faisons face à un évènement inattendu, bredouilla le reporter en esquivant comme il le pouvait les objets qui tombaient des étagères. — Ouhlà , dites, mais c'est qu'ça s'rapproche ! s'exclama Pierrot qui commençait à réaliser que quelque chose ne tournait pas rond. Un vrombissement se rapprochait, accompagnant les secousses, comme si une nuée de frelons s'apprêtait à attaquer. Soudainement, tout s'arrêta et un calme irréel s'installa. Chaque membre de l'équipe se regarda, pour se rassurer autant que pour vérifier que tout le monde allait bien. — Bien, euh, contin... enchaîna le journaliste de terrain. Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le vrombissement reprit de plus belle de l'autre côté de la bâtisse. Les murs se mirent à trembler, et avant que quiconque eut le temps de dire ouf, la porte d'entrée vola en éclats et le toit du petit commerce fut rasé, décapité par une force surnaturelle. Patrick était sur le point de bondir hors de sa chaise. Il ne tenait pas en place. Aucun spectacle n'aurait pu autant le mettre en joie que celui qui se déroulait sous les yeux des téléspectateurs. — C'est incroyable ! In-cro-yable ! Le journaliste s'adressa à la régie pour s'assurer que ce qu'il pensait était bien en train d'arriver. C'est son assistante qui lui confirma que les audiences grimpaient en flèche. La petite chaîne qui ne présentait habituellement que de passionnants reportages sur l'ouverture d'une maison de retraite ou encore la fermeture annuelle d'un Franprix. — Jacques, pouvez-vous nous informer sur ce qu'il se passe ? Que voyez-vous de là où vous êtes ? Le caméraman tentait tant bien que mal de filmer. Mais les secousses rendaient les images très difficiles à discerner. Si ce que voyait Patrick était exact, on avait l'impression qu'un géant passait au-dessus de la maison. Mais cela ne pouvait être qu'une illusion d'optique. Sans doute, la haute végétation environnante... Mais le journaliste réalisa alors que ladite végétation était bien trop importante. Depuis quand une jungle avait-elle poussée au fin fond de la Creuse ? Un grincement affreux suivi d'un grondement vrilla les tympans de l'équipe de terrain, aplatie au sol. L'un des membres était roulé en boule sous le comptoir, un autre caché sous le fauteuil du coiffeur. Les autres étaient éparpillés dans la pièce, ensevelis sous un amas de poussière et de débris. Miraculeusement, personne ne semblait blessé. — Qu'est... Qu'est-ce qui vient de se passer ? bredouilla le reporter, tremblant de la tête aux pieds. Une ombre occulta toute la lumière du soleil, plongeant la boutique dans la pénombre. — Jacques ? Jacques, racontez-nous ce que vous voyez ! — Je... Mais qui est Jacques ? Moi, c'est Thomas, tenta d'expliquer le journaliste de terrain en essayant de reprendre ses esprits, mais ce qu'il vit le plongea dans un état de terreur qui le rendit muet. Un œil globuleux apparut à travers ce qui avait, à l'époque, été un toit. Il semblait observer d'un air grognon le contenu de la bâtisse avant de reculer, laissant apparaitre un visage démesurément grand. Une voix tonitruante se fit entendre. — Mais keskes… Mais le volume satura immédiatement le micro du pauvre perchiste, privant les téléspectateurs de la suite de la phrase. Patrick avait littéralement envie de rentrer dans l'écran et de rejoindre le terrain pour assister à cet évènement majeur, pour ne pas dire unique. — Pat... voum... dé ?… Le journaliste se demanda d'où venait cette voix hachurée qui parasitait cet extraordinaire reportage. Il couvrit à nouveau son micro de sa main. — Il y a un signal parasite. Vous me sabotez pas mon reportage, compris ? Vous me réglez ça ! On va rentrer dans l'histoire, alors débrouillez-vous comme vous voulez ! Jac... euh... Thomas ! Peu importe ! Racontez-nous tout ! Une main gigantesque apparut à l'écran. Des doigts boudinés déchiquetèrent les murs comme s'ils étaient en papier. Le caméraman prit ses jambes à son cou et s'enfuit, abandonnant lâchement ses camarades, mais tout en continuant de filmer la scène apocalyptique. — Mon salon d'coiffure ! pleurnicha Pierrot. — Fuyez ! s'époumona le journaliste de terrain. Mais il était trop tard. Des lames titanesques s'approchèrent des ruines de la bâtisse, cisaillant tout sur leur passage dans un vrombissement infernal. Les dents de métal rougies rattrapèrent le fuyard qui lâcha sa caméra dans la panique. Elle se fracassa sur le sol, épargnant une vision d'horreur au public scotché à l'écran. — Hum... fit Patrick sur le plateau, incapable de trouver les mots face à ce qu'il venait de voir. Pour le sortir de sa torpeur, le régisseur lui fit signe qu'il allait lancer un nouveau reportage. Le journaliste reprit ses esprits et remit de l'ordre dans ses fiches qu'il avait éparpillés sous le coup de l'émotion. — Chers téléspectateurs, nous allons maintenant découvrir comment Pierrot, un petit coiffeur de quartier de la Creuse, a eu l'idée de... de... euh... Reportage suivant ! bafouilla Patrick en lançant un regard paniqué à son régisseur.
|