L'Académie de Lu





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À la manière du film d'action


Mémé défend son magot

(par Ellumyne)
(Thème : Film d'action)



En cette fin de soirée d’octobre 1975, la pluie tombait dru, donnant un aspect lugubre à l’étroite ruelle. Au cœur des ténèbres, deux silhouettes encapuchonnées se déplaçaient furtivement, passant de l’ombre d’un chêne centenaire à celle d’un porche décrépi. Sommeillant sous la faible lumière de la lune, une flaque d’eau plus profonde que les autres fut soudainement troublée par la pointe d’une chaussure à la semelle trouée.

— Merde ! Monsieur Victor, attendez-moi, mon pied est trempé ! s’exclama l’un des hommes.

Grand, la cinquantaine bien tassée et le regard vitreux après sa dernière cuite, il sautillait sur place tout en secouant sa jambe et en grommelant des injures.

— Tais-toi Fernand ! La bicoque de la vioque est juste-là, ce n’est pas le moment de se faire repérer ! Tu te souviens du plan ? On entre discrétos, on chourre le magot et on rentre chez nous.

Le deuxième individu qui venait de répondre, était plus jeune, plus petit et avait un visage de fouine. Il agrippa son compagnon par le bras, et c’est courbés qu’ils s’avancèrent vers la porte de l’antique maison. D’un geste rapide et précis, il crocheta la serrure rouillée avant d’appuyer sur la clenche, le regard triomphant. Le hurlement lointain d’un chien les figea soudainement sur place et ils observèrent les alentours d’un œil perçant.

Contre toute attente, la porte refusa de s’ouvrir et les deux hommes durent combiner leurs efforts pour la faire enfin flancher. Le bois vermoulu céda d’un coup sous leurs assauts répétés, entrainant dans sa chute un porte parapluie en métal ouvragé qui percuta de plein fouet le sol en pierre du vestibule, dans un vacarme assourdissant. Les deux compères s’écrasèrent au sol et Victor s’agita comme un poisson hors de l’eau, repoussant tant bien que mal le corps de son complice qui était en train de l’asphyxier.

— Gnfff… Dég…age ! Pouss’toi ! maugréa Victor entre ses dents.

— Hein ? Ah, s’cusez-moi patron répondit Fernand en roulant sur le sol pour libérer son comparse.

Soudain, une violente pétarade en haut des escaliers leur fit lever la tête, ce qu’ils regrettèrent très vite quand un courant d’air effleura leurs cheveux hirsutes et qu’un vase explosa derrière eux, propulsant des débris de verre en tous sens. Ils s’aplatirent au sol lorsqu’une deuxième détonation réduisit l’innocent secrétaire en bois à l’état d’épave mangée par les mites.

— Nom de non ! La vieille bique a sorti son tromblon ! Fonce avant qu’elle recharge ! hurla Victor, rouge de colère.

Fernand se releva et chargea tête baissée la vieille dame, en montant les escaliers quatre à quatre. Mais c’était sans compter sur l’agilité de cette dernière qui fit sveltement un pas de côté avant de lui asséner un coup de crosse sur le coin de son crâne. L’homme s’effondra dans un râle. Victor s’élança, non pas pour aider son acolyte, mais pour se venger de la maîtresse des lieux. S’ensuivit une course poursuite du perron au grenier, agrémentée de diverses pétarades et explosions accompagnées tantôt de pluies d’échardes, tantôt de nuages de poussière. Le tout assaisonné d’un flot d’injures que l’imagination débordante de Victor semblait ne jamais pouvoir tarir.

— Vous pourrez bien réduire votre baraque en cendres ! Je ne repartirai pas d’ici sans votre magot ! hurla le jeune homme en se cachant derrière une vénérable armoire.

— Honte sur vous, sale fripouille ! Jamais vous ne verrez la couleur de mon argent ! chevrota Mère Grand en agitant son tromblon devant le nez de Victor qui s’approcha, l’air conquérant.

— Alors mĂ©mé ? En panne de munitions ?

Le cambrioleur repoussa sans ménagement la vieille dame et scruta le grenier poussiéreux, en quête du coffre-fort tant recherché. Il était là, au fond de la pièce, à moitié caché par une couverture miteuse. Il s’avança, tira sur le plaid pour libérer la porte du coffre et entreprit de l’ouvrir avec les outils qu’il avait ramené.

— Je vous interdis ! Je… Je vous interdis de toucher à ça ! tremblota l’ancêtre en farfouillant dans ses poches à la recherche de son dernier sachet de poudre noire.

— La ferme ! beugla Victor, qui tournait les molettes du coffre, l’oreille collée contre l’épaisse porte métallique.

Mère Grand s’affaissa sur une caisse en bois, son cœur fatigué menaçant de lâcher à tout moment. Ouvrant le couvercle, elle plongea ses mains dans un stocks de vis, d’écrous et de clous et en déversa une pleine poignée dans la gueule béante de son tromblon. Ce sale vaurien ne tarderait pas à se rendre compte qu’il aurait mieux fait de ne jamais dépasser le seuil de cette maison. Toute chancelante, elle souleva son arme en direction du postérieur dodu du malotru. Elle s’apprêtait à faire feu quand elle trébucha sur un petit train en bois et chuta au sol. Sa tête heurta le coin d’une commode, la tuant net. Son fusil lui échappa des mains et le coup partit tout seul en direction du plafond.

Héritage d’une arrière-grande tante aux goûts discutables, l’immense lustre dissimulé au grenier pour préserver la vue des habitants de la maisonnée, se décrocha de la poutre maîtresse et dégringola deux mètres plus bas. Le sol du grenier s’affaissa sous le poids de l’objet avant de s’éventrer de part en part, entrainant avec lui meubles, caisses, jouets, coffre-fort et un Victor affolé qui eut juste le temps de s’accrocher au fenestrou avant que le vide ne remplace les lattes de bois sous ses pieds.

Très secoué, mais encore plus dépité, le cambrioleur dut se résoudre à descendre du dernier étage par le mur extérieur, en se servant des interstices entre les briques pour ne pas tomber. Arrivé sur le plancher des vaches, il contempla le désastre qui se tenait devant lui en pestant.

— Patron ! Z’êtes là ? Ohlàlà, j’ai cru que j’vous r’verrais jamais… s’égosilla Fernand en accourant ventre à terre.

— Ça va, ça va… En revanche, c’est foutu pour le magot. Allez, on dégage avant que la police n’arrive.

Les deux hommes tournèrent les talons et s’apprêtaient à s’enfuir quand l’œil de Fernand s’arrêta sur un cahier poussiéreux, jauni par les années, trônant au milieu des décombres. Il s’approcha et souleva la couverture cornée avant d’en décrypter difficilement le titre : « Recettes de Mère Grand, insufflons la vie à nos pâtisseries ». Un sourire niais se forma sur ses lèvres et il s’empara de l’objet.

— Vous croyez qu’y a une r’cette de tartes aux pommes ? J’aime les tartes aux pommes de ma môman…

— On s’en fout, dépêche-toi ! rouspéta Victor.

Une fois rentrés à leur repaire, les deux acolytes se tannèrent dans leur canapé rapiécé et purent enfin souffler, soulagés de ne pas avoir été pris sur le fait. Fernand feuilleta le carnet en bavant d’envie devant les jolis dessins qu’il contenait.

— Oh r’gardez patron ! Ti… Euh… Tibiscuit ! C’est mignon, on dirait un p’tit bonhomme. Ils disent qu’il peut bouger. Et même parler !

— Ouais, c’est ça ! Ta mère t’a lu trop de contes quand t’étais gamin, toi… grommela Victor.

— Et là ! s’enthousiasma Fernand. Un p’tit Lu à la confiture qui peut marcher ! Vous pouvez m’lire la r’cette ? Dites ? Diiiites ?

— Rhaaa… Si je fais ça, tu me lâches pour le restant de la nuit ?

— Oui patron !

Victor s’empara du livre et se mit à lire à haute voix.


Biscuit carré à la framboise

500 g de farine

200 g de sucre en poudre

200 g de beurre mou

5 cl d'eau froide

1 sachet de sucre vanillé

1 pincée de sel fin

1/2 sachet de levure chimique

Confiture de framboise

Faire fondre le beurre. Ce dernier apportera de la douceur, afin d'obtenir un caractère plein de tendresse et de bienveillance.

Ajouter le sucre pour une touche de dynamisme et donner de l'énergie et de l'enthousiasme à votre petit-beurre. Ainsi que le sucre vanillé pour un élan de générosité et un grand dévouement envers ses amis.

Ajouter l'eau pour délayer le tout et obtenir un personnage égal à lui-même, ni trop fougueux, ni trop timide.

Une petite pincée de sel pour pimenter les choses et contrebalancer le tout, grâce à une pointe de doute.

Faire chauffer dans une casserole à feu doux et mélanger jusqu'à obtenir un résultat homogène.

Laisser reposer 20 minutes hors du feu.

Verser la farine dans un récipient. Cette dernière rendra le biscuit friable. N'en abusez pas, une fois cuit, il ne s'agirait pas qu'il tombe en miettes au moindre choc émotionnel.

Ajouter la levure pour lui donner un charisme qui fĂ©dĂ©rera des ĂŞtres de tous lieux, Ă©poques, voire d'univers !

Ajouter le mélange beurre-sucre.

Mélanger la pâte à la cuillère en bois jusqu'à ce qu'elle soit bien homogène et que les différents traits de caractère s'y imprègnent.

Former un boudin de pâte et le couvrir de film alimentaire.

Le placer au réfrigérateur pendant 3 heures.

Préchauffer le four à 180°C.

Sortir la pâte du frais et l'étaler au rouleau sur un plan de travail fariné.

Découper les biscuits dans la pâte à l'aide d'un emporte-pièce.

Placer les biscuits sur une plaque de four recouverte de papier sulfurisé et les saupoudrer d’une pincée de poudre de perlimpinpin pour leur insuffler la vie.

Enfourner pendant 12 minutes.

Laisser refroidir les biscuits à la sortie du four puis les tartiner délicatement de confiture. La framboise, très savoureuse, est connue pour donner de l'éclat aux immenses yeux des petits-beurre.

Attention, seul un biscuit sur mille prendra vie. Il faut en prendre soin, le chérir de tout notre cœur car rares sont ceux dont le tempérament est assez apprécié pour ne pas être croqués par gourmandise.


— Que c’est beau ! s’extasia Fernand, les yeux pétillants de joie.

— Pfff… Allez, je vais au pieu, je suis crevé.

***

Pendant ce temps, M. Prince, le patriarche de la plus célèbre des biscuiteries du pays, s’arrachait les cheveux devant la maison en ruine. Le visage baigné de larmes, il observait les décombres de la maison familiale en tenant dans ses bras sa fillette âgée de neuf ans à peine. Qu’allaient-ils devenir ? De retour d’une longue journée de travail durant laquelle il avait fait visiter son usine à sa jeune enfant, il ne s’attendait pas à perdre Mère Grand, la vieille demeure ainsi que le secret le plus gardé de tous les temps. Celui permettant de donner vie aux biscuits fabriqués. L’ingrédient mystère n’était révélé qu’aux filles de la lignée des Prince, et ceci uniquement lorsqu’elles atteignaient l’âge de dix ans.

L’épouse de M. Prince, décédée en couches, avait refusé de le lui communiquer, préférant lui faire promettre de prendre soin de leur enfant afin qu’elle perpétue la tradition. Tout son empire allait s’effondrer et les créanciers allaient lui sauter à la gorge. Il tomba à genoux et se raccrocha à ce qui était le plus cher à son cœur, Juliette.

— Juju, ma grande, papa et toi allons devoir déménager, tenta d’expliquer le père entre deux sanglots.

— Pourquoi ? demanda innocemment la petite fille.

— Parce que papa ne connait pas l’ingrédient secret. Tu sais, celui que mamie rajoute toujours à la fin de la recette, avant de cuire les gâteaux au four.

— La poudre de perlimpinpin ?

— Oui… La poudre de perlimpinpin. Papa ne sait pas avec quoi elle est fabriquée.

— Mais moi, je sais ! s’exclama Juliette. Mamie m’a montré. Elle disait que j’étais bien assez grande.

— Quoi ? Mais… Tu veux bien me le dire ?

— Non, c’est un secret ! refusa la petite en secouant la tête.

— Je ne le répèterai à personne. Promis, juré ! tenta M. Prince.

La fillette réfléchit un instant puis sembla prendre une décision. Elle se pencha à l’oreille de son père et lui glissa quelques mots que lui seul put entendre. M. Prince écarquilla les yeux d’un air surpris avant de se remettre à pleurer à chaudes larmes. Mais de soulagement cette fois-ci et il serra sa fille dans ses bras avec douceur.














Brize

Très jolie plume ! Et jolie gestion du comique également ! Mais la mort de Mère Grand est terriblement tragique... Je serai choqué à jamais :Cry_Lu:

Si je peux me permettre une suggestion, j'enlèverais la première virgule dans la phrase : "Le deuxième individu qui venait de répondre était plus jeune, plus petit et avait un visage de fouine". Plus fluide au niveau de la lecture.
Aussi, petite remarque de concordance des temps : "Il agrippa son compagnon par le bras, et ce fut courbés qu’ils s’avancèrent vers la porte de l’antique maison."


Le 19/02/2022 à 02:58:00

















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