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Ellumyne![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Un dîner presque parfait(par Ellumyne)La petite famille se regroupa autour de mémé, chaque membre attendant patiemment son tour afin de faire la bise à l’aïeule. Cette dernière, clouée dans un fauteuil roulant depuis plusieurs années, sentait ses forces la quitter petit à petit. Elle venait de rédiger son testament et souhaitait faire part à ses enfants de son souhait de leur léguer l’intégralité de ses biens. Tout en omettant volontairement, de mentionner la présence d’une grande part de ses économies, cachées sous le plancher du coin cuisine. Elle n’avait jamais fait confiance aux banques. Et ses deux gamins fainéants n'avaient jamais pris la peine de venir l'aider à la maison. Encore moins depuis que sa santé déclinait. Elle emporterait ce secret dans la tombe. Julia serra sa mère dans ses bras avec une douceur feinte avant de reculer. — Maman, tu te souviens sûrement de mon mari Alain ainsi que de Tommy, notre fils. N’est-ce pas ? — Oui, oui, évidemment, chevrota la grand-mère. Ce qui était une certitude maintenant, ne le serait peut-être plus dans quelques minutes, la vieille dame souffrant d'Alzheimer. Ce fut ensuite au tour de Maurice, le frère de Julia, de la saluer, puis tous s’installèrent autour de l’antique table placée au centre du salon. A cause du réseau électrique défaillant, les ampoules du lustre ne fonctionnaient plus depuis longtemps. Pour pallier au manque de lumière en cette soirée atypique, quelques bougies d'ambiance avaient été disposées sur le meuble. Leur douce lueur mettait en relief les entailles dans le bois, induites par des années d'utilisation. La surface brillait par endroits, là où des taches collantes avaient résisté aux coups de chiffons épars de la vieille dame, trop diminuée pour les nettoyer convenablement. — Tu as l’air d'avoir bonne mine, déclara Maurice avec un manque d’entrain manifeste, tout en scrutant la table afin d'y trouver un endroit assez propre pour y poser ses coudes. — Ohh non mon petit, je commence à me faire vieille… répondit la mémé en tremblotant. Je m’affaiblis de plus en plus. Je vous ai demandé de venir pour parler de votre héritage. — Un héritage ? Pfff. Une chose est sûre, on ne va pas se battre pour cette vieille bicoque vétuste et une 4L dont le capot ferme avec un bout de fil de fer… marmonna le fils assez bas pour ne pas être entendu de sa mère. Julia lui fit les gros yeux pour le faire taire, ce qui ne sembla pas le moins du monde calmer ce dernier. Elle souhaitait que ce dîner se déroule au mieux et ne voulait pas qu’il soit entaché par d’énièmes critiques stériles. — Qu’est-ce qu’il dit ? demanda la mamie en plaçant sa main en cône contre son oreille, comme si cela suffirait à lui rendre l’ouïe. — Il dit que tu es encore en pleine forme, vu ton âge. Et que c’est une bonne chose que tu sois allée voir le notaire ! mentit sans vergogne la jeune femme. — Le notaire ? Qui est allé voir le notaire ? demanda la grand-mère avec candeur. — Ça y est ! Elle recommencer à perdre la boule ! J'en peux plus de ces réunions de famille, je n'aurais jamais du venir ! s’emporta son fils en tapant du poing sur la table. — Maurice ! cria Julia, les joues empourprées par la colère. — Chérie, ne t’énerve pas... Dis, ça ne dérange pas si je vais fumer une clope ? demanda Alain d’un ton blasé en se levant de sa chaise. Sans même attendre la réponse de sa femme, il se dirigea vers la fenêtre la plus éloignée et tira le lourd rideau tombant jusqu’au sol. Il souleva la vitre coulissante avec difficulté, l'encadrement ayant gonflé avec l’humidité ambiante. La cigarette au coin des lèvres, il observa le jardin en contre-bas, plongé dans un noir opaque. — J'ai faim ! On mange quand ? se plaignit Tommy, dont les disputes familiales avaient réveillé l’appétit. — L’héritage ! clama la grand-mère dans un soudain accès de lucidité. — Oui, l’héritage ! C’est pour ça que je suis venu quand-même ! grommela Maurice. — J’ai faim ! hurla Tommy qui se sentait délaissé. — Mange des cacahuètes et tais-toi ! ronchonna Maurice, soudainement intéressé par les paroles de sa mère. — Maurice ! Ne parle pas à mon fils sur ce ton ! s’énerva Julia. — Il risque de déconcentrer la vioque à hurler comme ça ! Et si elle reperd la mémoire, on va y passer des heures ! fulmina son frère, en propulsant le bol d’arachides vers son petit neveu d’un geste rageur. Toujours appuyé sur le rebord de la fenêtre, Alain aspira une dernière goulée de fumée pour calmer l’agacement qui montait en lui. Le comportement de Maurice commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Il se redressa pour remettre à sa place ce malotru, mais c’est à ce moment précis que l’encadrement en vieux bois craqua au dessus de sa tête. Inexorablement attirée par la gravité terrestre, la lourde vitre s’abattit sans pitié sur la frêle nuque du mari, la brisant net sous l’impact. Alain s’effondra mollement, le vieux rideau le recouvrant comme un linceul et le masquant à la vue des autres convives. — Arghh, mon cœur ! s'exclama la mamie en se penchant en avant, la main plaquée contre sa poitrine. Mon médicament… J'ai oublié… Mon médicament… — Attends, je te prépare ça, répondit Julia en panique en se dirigeant vers le coin cuisine. Elle pris un verre entre ses mains et compta une à une les gouttes de digitaline pour traiter l’insuffisance cardiaque de la vieille dame. Il ne s’agissait pas de se tromper sur la dose. A moins que… Cette vieille folle était increvable. Le testament étant maintenant rempli, deux gouttes de trop pourraient peut-être leur épargner une nouvelle réunion familiale ? Pendant ce temps, Tommy avait subrepticement attrapé le bol de cacahuètes dans avec ses petites mains potelées et s’était réfugié dans un fauteuil décrépi au fond de la pièce afin de pouvoir s’empiffrer sans retenue. Observant la scène de loin et ne cherchant pas à comprendre toutes ces histoires d’adultes, il lançait les arachides en l’air et tentait de les gober, la bouche grande ouverte. Il réussit tant et si bien que l’une d’entre elle se fraya un chemin dans sa trachée et il se mit à tousser pour la faire ressortir. — Kof, kof… — Tommy ? demanda Julia en relevant la tête vers son fils. — Kof… — Oh mon dieu… murmura la mère, la pipette à la main, dont s’égouttait toujours le précieux liquide. Dans sa précipitation, elle lâcha le compte-gouttes qui tomba par terre et s’élança pour porter secours à son fils. Le talon aiguille de sa chaussure s’encastra malencontreusement dans l’interstice entre deux lattes disjointes et elle se foula la cheville. Le souffle coupé par la douleur, elle n’eut pas la force de crier et tenta de se rattraper comme elle put au plan de travail. Mais ce dernier, gras et huileux, ne lui laissa aucune prise et elle perdit l’équilibre, chutant de toute sa hauteur. Sa tête heurta le coin de l’évier dans un bruit mat d’os brisés et de chair meurtrie et elle s’effondra, morte avant même de toucher le sol. — K…s’étouffa Tommy. Incapable d’éjecter la cacahuète, la respiration bloquée et le visage devenu bleu, l’enfant sentait ses dernières forces le quitter. Son petit corps s’affaissa sur l’accoudoir élimé du fauteuil et il ferma les yeux avant de sombrer dans un sommeil éternel. — Ça va, ça va… La crise est passée, tenta de rassurer la grand-mère qui se redressa péniblement. Où en étais-je ? — L’héritage ! tempêta Maurice qui perdait patience. Les yeux rivés sur la vieille dame, il ne s’était aperçu de rien et n’avait pas conscience du drame qui l’entourait. — Quel héritage ? chevrota l’aïeule. — L’HERITAGE, VIEILLE BIQUE ! vociféra son fils, hors de lui. — Qui êtes-vous monsieur ? Que faites-vous chez moi ? — Je suis ton fils ! — A l’aide ! Au voleur ! tremblota la mamie, épouvantée. — Je… Suis… Ton… Fils… — Allez-vous en ! Arghhh ! geignit la vieille dame en plaquant à nouveau une main décharnée sur sa poitrine. Avant que quiconque n’ait pu réagir, elle émit des râles sinistres, en se recroquevillant sur elle-même. Sa tête s’affala sur la table en bois, et son corps chétif fut traversé de soubresauts annonçant une fin imminente. — Julia ! Maman fait une crise cardiaque ! Appelle les secours. Parcourant la pièce du regard, Maurice ne vit pas sa sœur, dont le corps sans vie était caché derrière le comptoir. Il se leva brusquement, faisant tomber sa chaise au sol et se retourna. Comment Tommy avait bien pu s’endormir sur le fauteuil ? Qu’importe, ce n’était pas le moment de s’occuper de ça. Et où était passé cet abruti d’Alain ? Il avait du aller aux toilettes pendant la discussion. Jamais là quand on avait besoin de lui, celui-là . Il prit son smartphone et tenta de composer le numéro des secours, mais sans succès. Pour couronner le tout, il ne captait pas dans ce taudis. Mais finalement, était-ce si grave ? Il s’approcha de la grand-mère et la secoua par les épaules, mais ne reçut aucun signe de vie en retour. S’avançant dans le coin cuisine, il faillit trébucher sur les jambes sans vie de sa sœur. Après un moment de surprise, il s'accroupit à ses côtés et remarqua la latte de bois disjointe. Il tira dessus en pestant contre la vétusté des lieux et un billet de banque s’échappa du trou ainsi formé. Repoussant sans ménagement le corps de Julia, il attrapa une spatule en bois et s’escrima à démonter, une à une, chacune des lattes jusqu’à pouvoir passer le bras dans la petite cachette. Il en sorti plus de liasses de billets que ses bras ne pouvaient en porter et rassembla le tout sur la table principale. Cette vieille folle n’était pas si inutile après tout ! Maurice étala les biftons en riant de bon cœur et se déboucha une bouteille de gnôle trouvée au fond d’un placard avant de porter le goulot à sa bouche. Finalement, la soirée se finissait plutôt bien ! Il but goulûment, le liquide jaunâtre dégoulinant sur son menton. Le fils indigne entreprit de compter la somme totale. Gorgée après gorgée, liasse après liasse, il sentait son esprit s’embrumer, mais il continuait malgré tout. La tête lourde, il s’autorisa une pause. Juste une petite pause. Le bras droit posé sur la table, il y appuya son front et ferma les yeux. Une pile de billets s’effondra, faisant tomber avec elle la bouteille d'eau de vie, dont le liquide imbiba les liasses. Maurice repoussa négligemment le tout, bousculant une bougie au passage. Cette dernière bascula et enflamma le papier, se propageant à la vitesse de l’éclair grâce aux émanations d’alcool. Incapable d’éteindre le début d’incendie, il tenta de sauver le maximum d’argent, mais le retour de flamme le brûla au visage et il hurla de douleur avant s’écrouler au sol. Le feu se propagea au reste de la pièce, enflammant la table et les rideaux. Le brasier prit de l’ampleur et la maison fut réduite en cendres en seulement quelques dizaines de minutes.
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