(par Musing&Music)(Thème : Pas de mots masculins)
La vieille dame s’étira dans sa chaise, faisant craquer ses articulations. Comme d’habitude, ses mains étaient douloureuses, mais elle n’en avait cure. Elle qui pensait avoir tout traversé se retrouvait devant une situation inédite. Personne ne lui avait jamais dit qu’elle aurait l’occasion de faire une chose pareille de toute sa vie. Mais ses filles avaient insisté pour qu’elle se lance, et pour elle, âgée de huit décennies, c’était une première. La vallée s’étendait devant elle, verdoyante au bout de la pente herbeuse. Une manche à air se balançait doucement au gré des forces de la nature. Quelques mésanges gazouillaient dans la végétation.
Elle se leva lorsqu’une jeune femme l’appela.
— Je vais vous préparer, madame, si vous le voulez bien.
— Vous êtes certaine que tout ira bien ? s’inquiéta la vieille.
La femme rit.
— Vous n’êtes pas la seule personne âgée que je prends avec moi ! Je vous assure, vous ne risquez rien.
La vieille hocha la tête, à moitié rassurée. La femme l’engonça dans toutes sortes de sangles pour la maintenir fermement contre elle.
— Nous devrons désormais avancer ensemble. Compris ?
— Très bien, chevrota la vieille.
Elle ajusta la lanière qui serrait un peu trop sa gorge et l’avança davantage pour enlever la gêne. Ses jambes tremblèrent légèrement, et elle douta quelques seconde de pouvoir être capable d’aller jusqu’à la fin. Elle inspira, expira, mais l’angoisse avait pris sa place dans sa poitrine, à l’abri sous la veste protectrice.
Les deux femmes s’avancèrent pour se placer en face de la pente, droit vers la falaise qui tombait vers la vallée. La monitrice vérifia la direction et l’inclinaison de la manche à air, et voyant qu’elles étaient correctes, annonça d’une voix forte dans sa radio :
— Nous descendons !
Elle commença à courir, et la vieille l’accompagna avec toute l’énergie qu’elle pouvait fournir. Une tension se fit ressentir à mesure qu’elles avançaient. La voile tendue derrière elle s’élevait sous leur course, tirant sur les ficelles. Et bientôt une bourrasque s’engouffra dans les ouvertures, les faisant gonfler.
La vieille se sentit soudain soulevée de terre, et elle quitta l’herbe avant même d’avoir atteint la fin de la piste.
Soudainement, elle n’était soutenue que par quelques ficelles reliées à une voile. C’était sa seule sécurité, qui l’empêcherait de s’écraser dans la vallée, réalisa-t-elle. Une combinaison étrange de peur et d’excitation la saisit alors.
Elle se mit à crier.