L'Académie de Lu





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Serket

(par Lu' Directrice)
(Thème : Perso secondaire)



Ses longs cheveux noirs volaient dans la brise chaude qui parcourait le Nil. Serket replaça l'une de ses mèches derrière son oreille, concentrée. Ses doigts travaillaient l'argile comme ils l'avaient fait de si nombreuses fois. Pourtant, elle ne parvenait pas à être tout à fait satisfaite de ce qu'elle avait produit.

Les doigts crispés, la jeune fille creusa la terre trop profondément. Elle jura en laissant retomber ses mains. Le vase qu'elle était en train de fabriquer contenait un magnifique trou qui le rendait inutile.

— Je n'y arriverai jamais...

Épuisée, elle laissa tomber son menton contre sa poitrine. Le jour marquant la fin de sa formation arrivait à grands pas, elle n'avait plus le temps de se perfectionner. Des larmes traîtresses lui montèrent aux yeux. La bouche tremblante, elle renifla pour les chasser. Il était hors de question qu'elle se mette à pleurer pour ça. Serket, fille de Taho, n'allait pas se laisser abattre ainsi.

Décidée à faire tout ce qui était en son pouvoir pour ne rien regretter, elle écrasa l'ébauche de vase pour former une boule. Les mains en coupe, elle se pencha pour récupérer de l'eau du Nil et en aspergea son œuvre râtée. Elle plongea aussitôt ses doigts à l'intérieur et recommença.

Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, un grondement sourd retentit, rapidement suivi par un claquement de mâchoire. Le bruit de l'eau en mouvement lui fit rapidement tourner la tête. Un crocodile se rapprochait d'elle.

Affolée, Serket se redressa et fit face au reptile. Son cœur s'emballa dans sa poitrine lorsqu'elle se rendit compte qu'il n'était qu'à quelques mètres d'elle. Abandonnant l'argile, elle se mit à courir en sens inverse, s'abritant dans les champs qui bordaient le fleuve.

Lorsqu'elle fut hors de portée, elle s'arrêta, le souffle court. Ses pieds nus enfoncés dans la terre noire, elle attendit. Les tiges caressaient doucement la peau de ses bras, lui donnant de légers frissons. Le crocodile ne l'avait pas suivie jusque-là. Peut-être était-il même reparti dans le Nil, se cherchant une nouvelle proie.

Serket baissa les yeux sur ses doigts couverts d'argile. Les mots de son père résonnaient dans son esprit.

Tu es une femme, tu ne pourras jamais faire partie d'une caravane. Arrête tes rêves d'enfant, tu n'as qu'à faire comme ta mère et travailler l'argile.

Elle serra les poings, effritant la terre qui avait séché sur sa peau. Tournant son regard en direction du Nil, elle revint silencieusement sur ses pas. Arrivée à l'orée du champ, elle passa la tête entre les plantes pour observer les environs. Le crocodile avait disparu.

Soulagée, elle retourna vers l'argile qu'elle avait abandonné. Il n'y avait plus grand chose à en tirer et elle se sentait trop fatiguée pour tenter une nouvelle fois de le modeler. Elle hésita quelques secondes à le laisser sur place et à rentrer chez elle.

Elle se baissa pour plonger ses mains dans le fleuve et les laver, ses réflexions tournant dans son esprit. Alors qu'elle se redressait, l'eau gouttant le long de sa peau, elle entendit un drôle de bruit. Fronçant les sourcils, elle se tourna vers son origine.

Une ombre se redressa et resta immobile quelques instants, sur la rive opposée. Elle était tournée vers ce qui produisait le bruit étrange. Interloquée, Serket ne comprenait pas ce qu'elle voyait, mélange complexe de lumières, forme vaguement humaine, immense. Irréelle.

L'eau sur sa droite bruissa, révélant la longue mâchoire d'un crocodile. Serket frissonna et commença doucement à reculer, lorsque l'ombre parut s'envoler. Ce qu'elle avait laissé derrière elle mugissait.

— Des bébés...?

Le crocodile fondait droit vers eux. Le sang quitta le visage de la jeune fille. Son corps agit sans qu'elle ait eu le temps d'y réfléchir. Elle s'élança en avant et se jeta dans le fleuve, faisant de grands mouvements avec ses bras.

— Je suis lĂ  ! Il y a bien plus Ă  manger sur moi !

Le reptile tourna deux yeux jaunes à la pupille fendue vers elle. Le cœur battant la chamade, Serket se mit à nager dans sa direction, tentant d'attirer son attention.

— Les bébés, c'est petit, et c'est plein d'os.

Le crocodile fit claquer sa mâchoire en se tournant vers elle. Serket vit sa queue s'agiter tandis qu'il nageait vers elle. PaniquĂ©e, elle battit des pieds dans le sens inverse. Pourtant, elle Ă©tait bien consciente d'une chose : elle ne battrait jamais un crocodile Ă  la nage.

Désespérée, elle se mouvait aussi vite que son corps le lui permettait. Elle sentit la mâchoire claquer à quelques centimètres de ses pieds. Poussant un glapissement, elle perdit sa concentration et plongea la tête dans l'eau, en avalant par inadvertance.

Elle sentit son souffle lui échapper, les yeux grands ouverts sur les particules en suspension du fleuve. La certitude qu'elle allait mourir ici s'ancra en elle. Son père avait raison, elle ne deviendrait jamais marchande, ne ferait jamais partie d'une caravane. Mais elle ne produirait jamais le moindre vase non plus.

Elle sentit un brusque mouvement dans l'eau derrière elle. Ne sentant aucune morsure, elle battit des bras pour sortir sa tête de l'eau. Toussant et crachant, elle se maintint difficilement en surface. Jetant un regard vitreux derrière elle, elle manqua sombrer de nouveau.

Un homme à la tête d'ibis se tenait en suspension au-dessus du Nil, ses orteils effleurant à peine l'onde, maintenant le crocodile en respect avec un bâton.

— Par Isis...

Serket n'en croyait pas ses yeux. Le dieu Thot venait de lui sauver la vie. Submergée par un mélange d'émotions contradictoires, elle n'osait pas bouger.

— Va te chercher un autre repas, résonna une voix profonde.

Comme hypnotisé, le reptile se retourna et obéit. La jeune fille l'observa s'éloigner, ses pieds bougeant mollement dans l'eau. Enfin, le dieu de l'écriture tourna les yeux vers elle. Se figeant sous son regard, elle sentit son corps s'enfoncer dans l'eau. D'un bref mouvement du bras, il tendit son bâton vers elle. Serket sentit ses mains s'agripper malgré elle à la perche qu'il lui tendait. Il la ramena sur la rive, ne la quittant pas du regard.

Les genoux enfoncés dans la terre, elle reprit enfin sa respiration. À côté d'elle, deux bébés pleuraient dans leurs langes. Elle les détailla du regard, incrédule.

— Tu as sauvé ces deux enfants.

Serket leva des yeux écarquillés sur le dieu. Son visage d'oiseau était empreint de douceur. Son long bec désigna les enfants.

— Ils te doivent la vie.

— Et moi je vous dois la mienne.

Elle inclina profondément la tête, la poitrine prête à exploser. Un rire grave résonna dans la gorge de Thot.

— Ce que tu as fait pour ces enfants est admirable. Que dĂ©sires-tu pour rĂ©compense ?

Le cœur de la jeune fille fit une embardée.

— Rien, mon dieu, vous m'avez déjà sauvé la vie.

Elle aperçut du coin de l'œil son ombre se rapprocher du sol. Il posa lentement pieds à terre.

— Serket, fille de Taho, que rĂ©clame ton cĹ“ur ?

Sa bouche s'assĂ©cha. Pouvait-elle rĂ©ellement faire cette demande au dieu ?

— J'aimerais...

Elle observa un long silence. Il ne pouvait accéder à son désir le plus cher.

— J'aimerais devenir marchande. Je veux posséder ma propre caravane.

Elle sentit des doigts chauds saisir son menton et redresser sa tête. Ses yeux rencontrèrent de nouveau ceux du dieu.

— Est-ce lĂ  tout ce que tu dĂ©sires ?

Hypnotisée, Serket put à peine hocher la tête.

— Alors il en sera ainsi. Retourne chez toi. Prépare tes affaires. Demain, à l'aube, une caravane t'attendra à l'entrée de la ville. Les marchands seront à ton service, une pleine garnison de biens en leur possession.

Serket déglutit difficilement. C'était trop beau pour être vrai.

— En contrepartie, je te demanderai de fournir les temples en Zahri. Gracieusement. Une jarre pleine de cette huile parfumée t'attendra à chacun de tes passages chez toi.

— Merci, merci mille fois...

Thot se tourna vers les bébés, encore secoués de gros sanglots. Serket suivit son regard.

— Que va-t-il arriver Ă  ces enfants ? ne pĂ»t-elle s'empĂŞcher de demander, la gorge nouĂ©e.

Le dieu de l'écriture se pencha et les prit dans ses bras.

— Tu n'as pas à te préoccuper de ça.

D'un mouvement du bec, il lui indiqua son village.

— Pars, rentre chez toi. Prépare-toi pour ta nouvelle vie.

Son corps agissant presque malgré elle, Serket se releva, les yeux rivés dans ceux du dieu.

— Merci infiniment, répéta-t-elle.

Sans lui demander son avis, son corps se retourna et ses jambes la guidèrent vers son village. Elle ne le vit pas, mais elle sut que le dieu à la tête d'ibis avait disparu avec les enfants, ne laissant derrière lui que l'écho d'un rire grave qui se propageait sur les rives du Nil.














Ar_Sparfell

il en a fait quoi de ces enfants lĂ  !!!
En vrai, j'adore
Ton style d'écriture est très plaisant et fluide, tes persos ambiguë à souhait, des Dieux...bah c'est clairement des Dieux antiques quoi cléments quand ils veulent, cruels à leur guise...
Franchement, chapeau bas


Le 22/02/2021 à 21:00:00



Ellumyne

En tout cas, je suis d'accord avec Ar Sparfell, c'est super bien écrit. D'habitude, ce n'est pas un thème qui me branche spécialement, mais là, j'ai adoré. Autant le style que l'histoire. Attention, tu risques de me réconcilier avec l'Egypte ancienne.


Le 22/02/2021 à 21:17:00



Schrödinger

En tout cas, oui, j'aime beaucoup ton style sur cette histoire, tu devrais écrire plus, Lu' xP


Le 22/02/2021 à 21:34:00

















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