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Geologirl![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Changement d'état(par Geologirl)
Gégé ? … Gégé ! bloup. Gégé ! Reformes toi non de Tranche ! Une forme aqueuse s’agita avant de progressivement quitter son bassin en grommelant. Elle était pourtant si bien dans cet état. Je ne m’appelle pas Gégé, Arme, énonça la sorcière en retrouvant son visage. Et je ne m’appelle pas Arme non plus, Géraldine Marie-Françoise de la Verpillère répondit l’épée accrochée au mur d’un ton sarcastique. Marie Françoise lança un regard mauvais à l’objet. Elle détestait être coupée de ses expériences mais elle haïssait plus encore qu’on l’appelle par son ancien nom. Elle préférait mille fois son surnom. Toisant l’esprit enfermé dans la lame d’une épée ébréchée, elle attendit, nue. …. …. Rhaa ! Sorcière de la forme ? Oui, Jean-Louis de la Roche ? Si un esprit pouvait grimacer, celui-ci aurait affiché une grimace de dégoût. Heureusement pour Marie-Françoise, il se contenta de vibrer d’une lueur verdâtre avant de se plaindre à haute voix. Je préfère mon titre de “chevalier de la botte souple”. On a tous nos préférences, mon cher. Je peux savoir pourquoi tu m’a tirée de ma méditation expérimentale ? L’épée pesta. Une méditation expérimentale ?! J’appelle plutôt ça un sommeil de fuite ! Tu ne ressors jamais rien de ces séances de changement d’état. C’est d’ailleurs plus une drogue qu’une rêverie, se retint d’ajouter l’esprit, persuadé qu’il était que la sorcière évitait sa compagnie. Comment est-ce qu’un être libre irait se plonger dans un état proche de la mort alors qu’il donnerait tout pour pouvoir se déplacer à nouveau ? Hermétique à ses diatribes, Marie-Françoise s’habilla d’un geste. Elle aurait pu transformer les poudres de tenues qui jonchaient ses armoires pour s'apprêter telle une reine mais elle préféra son vieux peignoir gris, qui lui arrivait aux chevilles et qui sentait le renfermé. Encore à moitié dans ses pensées, elle marmonna pour elle-même. J’y suis presque, Jean-Louis. Je le sens. Mais tant que mes formules ne seront pas complètes… L’épée soupira. Bref, je crois que ta maison tombe en ruine. Non pas que je m’en inquiète particulièrement mais si elle s'effondre, je n’aurais plus personne à qui parler pour l’éternité. La sorcière de la forme haussa un sourcil. Il est vrai que la voix de sa maisonnée n’avait pas encore retentit. Avec un peu d’attention, elle remarqua que la poussière s’était accumulée et que des petites pousses s’étaient permises de passer les fenêtres du rez-de-jardin. Que s’est-il passé ? Hum… je ne sais pas exactement. Mais ça a eu lieu dans le grenier. Mai’ ne t’a pas dit ce qu’il se passait ? Un léger malaise passa dans la voix de l’épée. Marie-Françoise la décrocha du mur pour utiliser sa lumière comme une lampe torche et se dirigea vers les escaliers. Hey ! Doucement tu veux ! Herm…. Tu la connais, elle ne voulait pas vraiment m'inquiéter avec ces basses considérations. Marie-Françoise serra les dents. Et puis, tu es un peu trop imbu de ta personne pour poser la question, non ? Je… Tu sais que je ne suis pas fort pour ce genre de chose, hein ? Je n’ai pas été conçu pour ! Et puis demander à une MAISON comment elle va ? Est-ce que ce n’est pas un peu… bizarre ? La sorcière et son épée arrivèrent assez vite au rez-de-chaussé, couvert de toiles d’araignée et habité de plusieurs familles de rongeurs. Marie-Françoise ne leur lança qu’un regard pour monter à l’assaut des étages. Alors déjà , tu es une épée, alors parler à une maison n’est pas plus étrange que de te parler, à toi. Et pour ton état, tu était humain avant. Tu t’en souviens ? Dans un souffle énervé, la sorcière grommela un peu plus bas “je me suis suffisamment excusée pour cela”. C’est bien ce que je dis ! En tant qu’humain, on ne m'a jamais appris à m’inquiéter des autres. On m’a appris à les déchiqueter, ce qui n’a rien à voir ! Et puis, j’étais très bon ! Mais oui, mais oui. Pas étonnant que ton retour de forme soit celui d’une épée. Mais je te rappelle que je ne suis pas responsable de ta fêlure, tu étais déjà comme ça humain. Et c’est peut être ça qui t'empêche de retrouver ta véritable forme. La considération d’autrui ? Beurk. Bonk. Ah, tu feras attention, il y a une poutre qui est tombée en travers de l’escalier. Trop tard, gémit la sorcière en se frottant la tête. Tout à ses efforts pour grimper les marches, elle n’avait pas vu l’obstacle. C’est là depuis quand ? demanda-t-elle d’une voix qui devenait sifflante. Pourquoi s'embêter avec une forme physique solide se demanda l’enchanteresse. C’était fatiguant, douloureux et suant. Elle nota mentalement qu’elle devrait pouvoir trouver un moyen de générer un flux d’air ascendant qui pourrait lui éviter de monter les marches sous sa forme de nuage. Hum… ce serait même une bonne idée si elle arrivait à forcer sa remise en forme dès le dernier étage atteint. Depuis une petite dizaine d'années peut-être ? Mai’ se plaignait souvent des termites dans les hauteurs. Marie-Françoise s’arreta net.
Une dizaine d'années ? Combien de temps suis-je restée inconsciente ? Les yeux rivés sur sa seule source de lumière, la sorcière essoufflée vibrait de stupeur, figée entre deux étages. L’épée luis quelques instants dans des tons bleutés, indiquant une réflexion un peu plus poussée. Hum.. une bonne cinquantaine d'années je dirais ? C’est difficile de se rendre compte du temps qui passe quand on est coincé dans une cave. Une… une cinquantaine ? Ses réflexions aquatiques lui prenaient décidément beaucoup plus de temps que prévu.
Prise d’un doute affreux, Marie-Françoise se rua au troisième étage. Elle brinquebala Jean-Louis et le cogna dans chaque coin de mur avant de le planter au-dessus de la tête du lit. Là , au creux du compartiment secret de la literie défoncée par les âges et les nids successifs d’oiseaux sauvages, elle retrouva la fiole d’Anna. Elle s’autorisa à souffler véritablement. Son amie était sauf, sa raison d’être était toujours dans son état normal. Doucement avec mon corps ! Je ne ressens pas la douleur mais je suis fragile ! Et sensible ! C’est pas des manières que de transporter un chevalier comme un sac à patate ! La sorcière des formes, à moitié déshabillée et échevelée par l’effort, ne tint pas compte des récriminations de son compagnon d’infortune et s’occupa plutôt de rassembler ce qui restait des coussins. D’un mouvement de poignet, elle activa les glyphes sur sa peau et réduisit les draps en poussière. Puis le lit. Jean-Louis tomba comme une masse dans un tintement métallique et se plaignit d’une lumière rouge vive. Marie-Françoise combina des formes et les états qui s’étalaient devant elle, transformant leur nature en quelque chose de nouveau. Elle concentra les fibres de bois pour générer une tenue pratique, les matières organiques présentes pour créer un écrin de diamant et les résidus de métaux pour souder la fiole à sa ceinture. Ses tatouages maintenant bien en vue, elle ajusta son chapeau, ramassa Jean-Louis et l’inséra d’un geste sec dans un fourneau transparent. Allons maintenant nous occuper de ce qui m’a réveillé. Humf ! Je savais bien que tu dormais dans ta cuve !
Un… un champignon ? Marie-Françoise n’en croyait pas ses yeux. Yep, lui répondit son épée. Un mérule pour être exact. La sorcière se dévissa la tête pour lancer un regard à son arme ébréchée. De l’autre côté de ses hanches, le poid de son destin tintait doucement dans une gourde précieuse. Tu me dis que la raison pour laquelle ma maison a cessé de fonctionner est un bête champignon ? Il a peut-être affecté ses glyphes primordiaux ? Marie-Françoise se frotta les yeux dans une vaine tentative de se calmer. Si elle liquéfiait Jean-Louis, elle ne pourrait plus mettre en place son plan de sauvetage. Et tu as attendu qu’il fasse CETTE TAILLE pour m’en informer ? Pour ma défense, je ne pouvais pas vraiment me déplacer pour constater les dégâts. Et je pensais que Mai’ ne se plaignait que pour me faire taire. Mai’ ne peut rien toucher qui se rapproche de plus de 1 mètre de ses glyphes, Jean-Louis. Et vous auriez pu réveiller le golem pour qu’il s’en occupe. Marie-Françoise se déplaça sous la charpente pour mieux constater les dégâts. Le mérule courait sur l’intégralité du toit et suivait exactement les lignes des charmes qu’elle y avait placé. Elle n’avait personne à qui montrer sa grimace d’énervement et d’ennui mêlés. Le golem s’est désactivé après avoir perdu ses deux jambes contre des pillards, il y a une vingtaine d'années, expliqua son esprit de compagnie. On s’est dit qu’il ne serait pas vraiment d’une grande utilité s’il n’arrivait pas à monter les marches. C’est…. juste. Ceci dit, nous n’avons pas eu la moindre visite depuis ! Je suppose qu’il leur a fait suffisamment peur pour les deux prochaines générations ! Ah ah ah ! De colère, l’expression de la sorcière passa à l’embarras. Si les humains la craignaient, cela n’allait pas arranger ses affaires. Elle préférait être oubliée. Oubliée longtemps si c’était possible. Elle reprit ses explorations le long des fondations avec une énergie renouvelée.
Elle avait été vaincue par un champignon. Sa maison possédait les meilleurs charmes, les meilleures défenses magiques et la plus grande technologie élémentaire du monde mais un demi siècle de sommeil et un minuscule spore avaient eu raison de son enclave. Dans un geste rageur, elle dégaina Jean-Louis et l’abati sur le thallophyte. Hey ! Le “végétal” émit un bruit spongieux et une partie de son mycellium tomba au sol. Après quelques instants, le morceau se mit à vibrer puis à fumer. Quelques secondes plus tard, il avait disparu dans une brume bleutée. Marie-Françoise assista avec un intéret dégouté à l’affaire avant de pousser un cri de victoire. Mai’ est toujours là ! Elle est toujours là mais en sommeil ! Pardon ? Tu viens de m’utiliser comme un marteau idiot et maintenant tu balance des imbécilités ? Ta méditation t’a fait fondre les neurones ? Ce n’est pas parce qu’elle ne nous répond pas qu’elle n’est pas active. Elle a juste… changé de forme. Ou d’état, je ne sais pas. Hum… Je suis sceptique. Mais soit. Marie-Françoise réfléchit à peine quelques instants avant de sourire de façon machiavélique. Elle venait de trouver une façon de mêler l’utile à l’agréable. De sauver Mai’ et de donner à Jean-Louis d’autres raisons de râler. Par contre, ce que je sais, c’est que tu vas pouvoir te rendre utile pour une fois. Et elle commença à gratter l’épée contre le bois pour déloger le champignon.
Il va sans dire que le chevalier était outré. Mais sa revanche sera pour une autre histoire.
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