L'Académie de Lu





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(par Lunelisha)
(Thème : Thème imposĂ© personnalisĂ©)



Depuis plus d'une demi-heure déjà, seul le cliquetis des couverts cognant contre les assiettes traverse le silence tendu qui règne dans l'immense salle à manger. Une unique table en bois (d'époque, disait-on ) s'étend sur toute la longueur, mais même cette distance ne suffit pas à évacuer toute l'électricité qui semble circuler entre les deux uniques convives. La première, grande, fière, est enveloppée d'une aura de grâce et de puissance. L'autre, méfiant, agité, s'essuie régulièrement le front avec un mouchoir déjà trempé.

La Grande Présidente des Républiques Unifiées finit patiemment sa bouchée, posa ses couverts en angle droit avec douceur, se tamponna les lèvres délicatement. Son invité la regarda faire, sentant son cœur battre de plus en plus vite. Elle prit alors la parole d'une voix posée, se redressant alors que l'autre s'enfonçait sur sa chaise.

J'ai entendu dire que les rĂ©voltes de la RĂ©publique de l'Est prenaient plusd'ampleur qu'escomptĂ©. Comment expliquez-vous cela ?

L'homme se racla bruyamment la gorge, essayant de reprendre un minimum de contenance - sans succès ; la peur imprĂ©gnait chacun de ses mots.

Nous avons déployé nos troupes pour mater les rebelles. Ce n'est qu'unequestion de temps avant que ces derniers ne soient maîtrisés.

La Grande PrĂ©sidente le scruta de son regard perçant pendant d'interminables secondes, puis reprit :

Mes informateurs n'ont dénombré qu'une cent-cinquantaine de soldats. L’arméeque je vous ai mise à disposition en compte un millier.

La femme ne lui avait même pas posé de question, mais il se sentit obligé de se justifier.

Nous... Les... Le quart de nos hommes et femmes se sont... ralliés aux rebelles.

Mais cela ne nous empĂŞchera pas de triompher d'eux, bien enten...

Dites moi, Forbas. Savez-vous Ă  quel point il est complexe de s'occuper d'un Étataussi grand que celui des RĂ©publiques RĂ©unifiĂ©es ? Si vous ne maĂ®trisez pas les citoyens de la RĂ©publique de l'Est, dont vous avez la charge, cette rĂ©bellion pourrait se propager aux autres RĂ©publiques et menacer l'Ă©quilibre qui, depuis plus de 150 ans, nous permet de vivre en paix sans craindre une nouvelle guerre d'anĂ©antissement. (Elle se tut quelques instants, les yeux toujours fixĂ©s sur son subordonnĂ© en face d'elle). Vous partez demain Ă  la première heure. Je veux que cette rĂ©volte soit rĂ©primĂ©e Ă  la fin de la semaine, qu'en importe le prix. Mais en attendant, mangeons donc le dessert.

Le Petit Président (comme disaient ses concitoyens en désignant les quatre dirigeants des quatre Républiques, tous sous l'autorité de la Grande Présidente) hocha vivement la tête, envahi par un profond soulagement. Il avait vraiment cru qu'elle n'allait pas lui pardonner et s'était déjà vu six pieds sous terre. Il avisa alors la pièce-montée qui s'avançait vers lui et son angoisse revint au galop. Le goûteur de la Présidente, qui lui servait aussi de garde du corps, se chargea lui-même du découpage du gâteau (afin d'éviter un potentiel ajout de poison) et en prélevant une part pour analyser son contenu. "Il doit faire partie de ces Mutés", pensa Forbas. "Certains ont la particularité de pouvoir déceler n'importe quel poison, grâce à leurs cellules buccales ayant subi une mutation." Il surveilla étroitement ses gestes, s'assurant qu'il n'avait aucun comportement suspect. Quand on lui présenta enfin l'assiette, ses épaules se détendirent, car il était pratiquement sûr que la nourriture était saine. Il sentit alors la main de l'homme contre son cou et sursauta. Le jeune garde eut un sourire contrit qui adoucit momentanément ses traits.

Veuillez m'excuser, une araignée s'était invitée dans votre col.

Oh... Merci alors.

Le goĂ»teur n'ouvrit pas la bouche et se contenta d'un lĂ©ger mouvement de tĂŞte. Forbas se surprit alors Ă  le dĂ©tailler, ne sachant pas vraiment pourquoi. Il avait l'impression que quelque chose clochait, mais ne voyait pas quoi... Sa peau de miel resplendissante de jeunesse Ă©tait constellĂ©e de grains de beautĂ©, ce qui rejoignait son hypothèse sur le fait qu'il soit un MutĂ©, pensa-t-il en se frottant machinalement la pomme d'Adam. Ses cheveux de jais Ă©taient coupĂ©s courts et reflĂ©taient la lumière provenant du lustre, ce qui lui donnait comme un air d'ange venu sur Terre, il se gratta sous l'oreille, et faisait comme une couronne d'or autour de sa tĂŞte. Ses habits peut-ĂŞtre... Pourtant, rien d'extravagant ici non plus. Tunique noire normale, chausses adhĂ©rentes normales, collier d'identification normal, tout est normal, sauf lui. Ma DĂ©esse, qu'est-ce que mon cou me dĂ©mange, il n'est pas normal, non, ce sont ses yeux. Oui. Ses yeux. Si noirs, si beaux, si tristes, si expressifs ! Sait-il qu'ils trahissent sa pensĂ©e ? Je peux savoir ce qu'il se dit. "Pardon, je suis dĂ©solĂ©". Mais dĂ©solĂ© de quoi, voyons, tu n'as rien Ă  te reprocher, qu'as-tu donc fait de si terrible ? "Je suis dĂ©solĂ©. Pardon". Mais non, ne pleures pas, n'abĂ®me pas ce si joli visage, mais ce n'est pas lui qui pleure, alors pourquoi est ce que ma vision est brouillĂ©e ? Est-ce moi qui pleure ? Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que ma peau me gratte tant ? Pourquoi ai-je du sang sur mes ongles ? Pourquoi est-ce que je sens des bosses sous mes doigts ? Pourquoi est-ce que la salle tourne ? Pourquoi est-ce que le sol se rapproche ? Pourquoi...? "Je suis dĂ©solĂ©".

Craton regarda le Petit PrĂ©sident s'Ă©crouler sur la table, le regard fou, les lèvres marmonnant des paroles incomprĂ©hensibles, ses mains couvertes de son propre sang, liĂ© Ă  autre chose, quelque chose de terrible, de dangereux, de mortel. Le pus suintant des pustules apparues soudainement formait une flaque jaunâtre immiscible avec le liquide rouge. La garde ferma les paupières et dĂ©tourna ses yeux de ceux qui le regardaient fixement, le jugeant mĂŞme au-delĂ  de la mort. Il entreprit alors de remettre minutieusement ses gants, enfouissant sa honte sous des couches de tissu moulant. Il se donna une gifle mentale. Comment osait-il critiquer ce don qui lui permettait d'avoir un poste privilĂ©giĂ© auprès de la Grande PrĂ©sidente ? Certes, cela impliquait quelques sacrifices, comme celui de cet incompĂ©tent, mais cela permettait surtout Ă  la paix de prospĂ©rer, ce qui Ă©tait nĂ©cessaire après le chaos qu'avait provoquĂ© la Grande Guerre... Il y a 200 ans, un conflit avait Ă©clatĂ© entre les pays du Nord. Ce qui aurait du rester une simple querelle avait dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, et ils avaient fini par les utiliser... Les armes nuclĂ©aires, les mortellement connues Bombes H. En thĂ©orie 300 fois plus puissantes que celles qui avaient dĂ©truit Hiroshima, elles se sont avĂ©rĂ©es ĂŞtre bien plus destructrices... Les pays du Nord ont Ă©tĂ© rasĂ©s de la carte en moins de deux mois, et leurs principaux dirigeants ont pĂ©ri avec eux. Seuls sont restĂ©s en vie (ou presque) les habitants du Sud, mais hĂ©las pas sans coĂ»t... S'ils n'ont pas Ă©tĂ© tuĂ©s par les radiations, la plupart d'entre eux ont subi des mutations irrĂ©mĂ©diables modifiant leur ADN au cĹ“ur mĂŞme de leurs cellules. Ces derniers ont Ă©tĂ© appelĂ©s les MutĂ©s, et inspirent Ă  la fois la crainte, le dĂ©goĂ»t et l'admiration. De manière gĂ©nĂ©rale, on a remarquĂ© partout l'apparition de mini-cancers, appelĂ©s aussi "grain de beautĂ©", mĂŞme s'ils Ă©taient tout de mĂŞme plus prĂ©sents chez les MutĂ©s. Craton poussa un discret soupir. Lui-mĂŞme faisait partie des MutĂ©s, mais sa particularitĂ© n'est pas celle auxquels les autres s’attendent en le regardant. Sa peau est toxique. Tous ceux qui la touchent ou mĂŞme la frĂ´lent meurent dans les minutes qui suivent. C'est lĂ  qu'est le vrai poison.

Ses yeux refirent la mise au point lorsqu'un des conseillers de la Grande Présidente entra dans la salle à manger, le dos raide et le regard hautain.

Madame La PrĂ©sidente. J'ai des nouvelles en provenance de la capitale. Unemanifestation de petite ampleur s'est dĂ©clarĂ©e dans le centre-ville. Des agents infiltrĂ©s ont rĂ©ussi Ă  prendre des vidĂ©os du leader, que nos logiciels de reconnaissance ont identifiĂ©. Quels sont vos ordres le concernant ?

L'intĂ©ressĂ©e prit le temps de rĂ©flĂ©chir, puis ordonna :

Montrez moi les images.

Une petite trappe s'ouvrit alors au centre de la table, et un objet en forme de saladier transparent en sortit. Tout de suite, un hologramme d'une qualitĂ© extraordinaire jaillit et emplit toute la largeur de la salle. Le protestataire apparut alors en gros plan, et Craton pouvait presque sentir son souffle sur son visage et la fureur dans ses yeux le transpercer de part en part. Il sentit soudain une dĂ©charge d'adrĂ©naline le traverser. Son cĹ“ur s'arrĂŞta de battre. Sa respiration se coupa. Ses mains se mirent Ă  trembler. Il crut un moment s'ĂŞtre fait lui-mĂŞme empoisonner, avant de se rendre compte qu'il ne pouvait simplement pas dĂ©tacher ses yeux du dissident. La dĂ©termination farouche dans ses yeux belladone, l'Ă©clat du soleil de midi sur sa peau d'Ă©bène, son corps tout en finesse et en longueur, le mouvement de balancier de son sac Ă  dos orange fluo, tellement incongru en ce lieu, tout cela l'hypnotisait et lui faisait perdre ses moyens. Il essaya de dĂ©tourner le regard de cet insurgĂ©. Il Ă©choua. Il essaya une deuxième fois. Sans plus de succès. Il tenta de toutes ses forces, ses poings serrĂ©s par l'effort. Ce fut un Ă©chec. Sa prĂ©sence Ă©tait envoĂ»tante, et plus rien autour de lui ne semblait exister, ou mĂŞme avoir une quelconque importance. Son univers se limitait Ă  prĂ©sent aux mots haineux mais empreints de tristesse que l’homme vocifĂ©rait, Ă  ce sentiment de ras-le-bol qu'il exprimait, Ă  ce beau visage tendu sous la pression, Ă  cette Ă©nergie qui l'accompagnait, cette Ă©nergie caractĂ©ristique de ceux qui n'ont plus rien Ă  perdre. Il aurait pu rester lĂ , Ă  le contempler, pendant cent ans, mille ans, mais il entraperçut Ă  la limite du champ de la camĂ©ra les forces spĂ©ciales qu'utilisait la Grande PrĂ©sidente pour aller dĂ©loger les manifestants encombrants. Elle avait dĂ» leur donner l'ordre d'intervenir alors que lui-mĂŞme Ă©tait encore... encore quoi ? Qu'Ă©tait donc ce qu’il venait de ressentir ? Les effets secondaires de la fatigue ? D'une drogue qu'on lui aurait injectĂ©e Ă  son insu ? Le soleil, peut-ĂŞtre ? Ou... un coup de foudre, comme dans les romans Ă  l'eau de rose qu'il avait dĂ» Ă©tudier Ă  l'Ă©cole ? Craton Ă©clata de rire intĂ©rieurement. Quelle pensĂ©e saugrenue ! Ha ha ha ! Ha ha ! Ha... Et merde.

Craton faisait les cent pas dans sa chambre exiguĂ«. MĂŞme une heure après l'ÉvĂ©nement, il ressassait et ressassait dans sa tĂŞte ce qu'il s'Ă©tait passĂ©. Il ne pouvait pas croire que ça lui arrivait. Pas Ă  lui. Pas pour lui ! Cet espèce de rebelle Ă  la noix complètement inconscient, ignorant, stupide, Ă©nervant, intrigant, mignon, dĂ©terminĂ©, magnifique, et... FAIT C#!€R ! Son poing rencontra le mur, mais le garde arrĂŞta bien vite car ça fait fichtrement mal quand mĂŞme. Il s'assit sur son lit et essaya de rĂ©flĂ©chir calmement Ă  la situation. Il savait de source sĂ»re que le prisonnier allait ĂŞtre ramenĂ© ici d'un moment Ă  un autre. Et qu'il allait sĂ»rement devoir l’interroger. C'est un autre aspect de son boulot. Il pouvait faire en sorte de n'inoculer qu'une dose minime de poison, ce qui causait aux captifs des douleurs atroces, mais pas mortelles. C'est bien gai tout ça. Oui, très gay, en effet. Il se donna une claque mentale (qui se termina physiquement). Ce n'Ă©tait pas le moment de se disperser, il devait mettre en place un plan d'action pour aller sauver l'inconnu ! Il sursauta, frappĂ© de stupeur. Cette phrase Ă©tait sortie toute seule, sans rĂ©flĂ©chir, comme si son cerveau savait que c'Ă©tait la seule chose Ă  faire. Et en y rĂ©flĂ©chissant un peu plus, Craton se rendit compte que c'Ă©tait vrai. Il n'arrivait mĂŞme pas Ă  imaginer un scĂ©nario oĂą il torturait interrogeait l'Ă©tranger au sac Ă  dos orange, ou pire, oĂą ce dernier devait mourir ! Il s'Ă©trangla Ă  cette idĂ©e. Une force plus puissante que sa raison le poussait Ă  commettre des folies pour sauver l'homme de sa vie et futur père de ses enf... Il se redonna une claque. Ses joues commençaient Ă  rougir, mais il n'Ă©tait pas sĂ»r que ce soit dĂ» seulement aux gifles. Il s'assit alors Ă  son bureau et commença Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  plusieurs scĂ©narios pour le sortir des griffes de la

Grande Présidente, et ce sans passer par la case décès…

Craton et une autre des gardes choisie par ses soins, Selja, se tenaient devant la cellule où gisait le rebelle. En le voyant en si mauvais état, l'homme à la peau toxique n'avait réussi que de peu à se retenir de retrouver et rouer de coups tous ceux qui avaient osé porter la main sur lui. Il se reconcentra lorsque sa collègue entra dans la geôle, tandis que lui surveillait de loin. Elle attrapa brutalement les poignets de l'insurgé, encore un peu dans les vapes, et lui cracha des ordres à la figure en le secouant dans tous les sens. Il cligna plusieurs fois de ses magnifiques cils et semblait avoir du mal à comprendre ce qu'elle lui disait. Soudain, son regard s'éclaira et il acquiesça vigoureusement de la tête. Tout en continuant à lui aboyer consignes et menaces, la gardienne lui retira les fers qu'il portait aux pieds et le détacha du mur sur lequel il était enchaîné. Elle le traîna alors sur une chaise qui se trouvait au beau milieu de la pièce d'interrogatoire, faisant bien attention à ne pas lâcher son bras. Le prisonnier la suivait en titubant, l'air groggy. Soudain, il se redressa, plus assommé pour deux sous, et la projeta violemment contre le mur. Elle heurta avec force une lampe qui se brisa sous l'impact, et, d’un coup, le monde devint noir.

Le chaos rĂ©gnait dans la base de la Grande PrĂ©sidente. Les soldats s'agitaient dans tous les sens, s'efforçant de ne pas se rentrer dedans. Pour une raison toujours inexpliquĂ©e, toute l'Ă©lectricitĂ© des bâtiments s'Ă©tait coupĂ©e, les plongeant dans l'obscuritĂ© et rendant inefficaces les camĂ©ras de surveillance. Pire encore, un prisonnier d'une importance capitale s'Ă©tait Ă©chappĂ©, et les gĂ©nĂ©rateurs de secours ne se mettraient en route que trente secondes plus tard. Vingt secondes. Dix. Cinq. Une... Les lumières se rallumèrent en mĂŞme temps que les Ă©crans de contrĂ´le. Tous les membres de sĂ©curitĂ©s Ă©taient concentrĂ©s et près Ă  repĂ©rer le fuyard lorsqu'il apparaĂ®... "LĂ  !" s'exclama une des sentinelles en dĂ©signant l'individu portant un sac Ă  dos orange fluo qui se prĂ©cipitait vers ce qu'il pensait ĂŞtre une sortie - mais qui Ă©tait en rĂ©alitĂ© un cul-de-sac. Elle dĂ©gaina alors son talkie-walkie et Ă©nonça de façon claire : "Ă€ toutes les unitĂ©s. Cible localisĂ©e. Se dirige vers zone H7. Je rĂ©pète. Se dirige vers zone H7. Capture obligatoire. TerminĂ©." D'un mĂŞme mouvement, une trentaine de soldats d'Ă©lite s'Ă©lancèrent vers le secteur dĂ©signĂ©, Ă©changent constamment avec les autres divisions. Les premiers Ă  apercevoir le fugitif se trouvaient Ă  vingt mètres Ă  peine. Ils pouvaient dĂ©jĂ  discerner sa silhouette Ă©lancĂ©e et ses vĂŞtements noirs. Il disparut momentanĂ©ment au dĂ©tour d'un couloir, et ses poursuivants entendirent une porte claquer. Ils Ă©changèrent un regard entendu et se placèrent d'un mĂŞme ensemble autour de la seule Ă©chappatoire, qui se transformait lentement mais sĂ»rement en piège mortel. Un d'eux s'approcha alors en silence de l'ouverture, prit son Ă©lan, s'Ă©lança vers l’ouverture, et...

Craton et l'amouUuUur de sa vie crachaient leurs poumons, épuisés par le marathon qu'ils venaient de courir. Aucun des deux ne fut en mesure de parler avant plusieurs minutes. Ce fut l'inconnu qui brisa le premier le silence.

Je... Tout d’abord, merci beaucoup. Vraiment. Merci. Mais... Qui ĂŞtes-vous ? Etpourquoi vous avez fait ça ? Et.. comment ?

Craton, à votre service, répondit-il en le saluant bien bas. Et tutoyez-moi, s'il vousplaît.

Euh... très bien, moi toi aussi alors.

Si tu insistes. Mais pour le récit je dois faire vite, le plus tôt nous nouséloignerons de la Présidente, le plus tôt nous serons en sécurité. (Il s'éclaircit la gorge.) Tu as déjà rencontré mon amie, Selja, et fait connaissance de sa... particularité. Comme moi, elle est une Mutée, mais elle a l'unique capacité de pouvoir sentir et produire de minuscules signaux électriques, ceux que l'on a en permanence dans notre corps pour transmettre des informations du cerveau jusqu'aux organes ou vice-versa. L'ouïe ne déroge pas à la règle. Elle a donc créé des signaux que ton cerveau a interprété comme étant un son, et tu as pu "entendre" ce qu'elle avait à te dire.

Donc ce n'Ă©tait pas de la tĂ©lĂ©pathie. C'est notĂ©. D'ailleurs, est-ce qu'elle va bien ?

Je pense l'avoir projetée un peu fort contre le mur...

Ne t'en fait pas pour elle, Selja est très rĂ©sistante. MĂŞme si ça ne devait pas ĂŞtretrès agrĂ©able, ça lui a permis de se mettre Ă  proximitĂ© de l'Ă©lectricitĂ© alimentant tous les bâtiments par le biais de la lampe fracassĂ©e. Elle a rĂ©ussi Ă  provoquer une surcharge qui a fait sauter les plombs, nous donnant le temps de nous rendre dans la partie rĂ©servĂ©e au personnel, la seule qui est Ă©pargnĂ©e par les camĂ©ras de surveillance (manque de moyens). Tu connais la suite, on a pris un tunnel connu des membres de la garde rapprochĂ©e de la PrĂ©sidente seuls, et nous voilĂ  ! Dehors, Ă  plus de cinq kilomètres du domaine prĂ©sidentiel !

Le regard de l'étranger s'illuminèrent, mais un voile sombre tomba soudainement sur ses yeux.

Et Selja ? Si j'ai bien compris, elle faisait diversion. Est-ce qu'elle va bien ?

J'aimerais te répondre oui, pour toi comme pour moi, seulement je n'en sais rien.

Mais j'ai confiance en elle. Elle sait se sortir de toutes les situations.

Ils eurent tous deux un faible sourire. Puis le rebelle reprit la parole pour poser la question que l'ex-garde aurait préféré éviter. Ce n’est pas simple de se remettre publiquement en question.

Craton... Pourquoi est-ce que tu m'aides ?

L'intéressé soupira mais garda la tête droite.

Selja est ma meilleure amie et ne porte pas le gouvernement dans son cœur. Sielle reste là, c'est pour mieux saboter le régime de l'intérieur. Et moi... moi, j'ai trouvé une bonne raison de regarder la vérité en face. J'avais toujours refusé de critiquer la Présidente, quoi qu'il se passe, qu’importe tous les massacres commis en son nom, et en celui de la République. Mais c'est du passé maintenant. Je vais enfin me battre pour ce en quoi je crois.

Ils se regardent quelques secondes les yeux dans les yeux, partageant la même émotion.

Oh ! Je m'appelle Priam, d'ailleurs.

Un beau prénom pour une belle personne. Tout prend sens.

Quoi ?- Quoi ?

Priam esquissa un sourire, qui devint plus franc, et se termina par un éclat de rire.

Il s'éloigna alors en petite foulée, l'air toujours amusé.

Alors, prĂŞt Ă  changer la face du monde ?

Craton le laissa prendre un peu d'avance, savourant sa libertĂ© nouvellement acquise. Il rejoignit alors le jeune homme Ă  toute vitesse et lui rĂ©pondit avec un sourire Ă©clatant : - Et comment !

Selja exultait sous son casque. Dans la salle-labyrinthe oĂą elle s'Ă©tait rĂ©fugiĂ©e, tous les gardes, dispersĂ©s, cherchaient le pseudo-fuyard. Ils ne trouvèrent qu'un sac Ă  dos orange fluo, agrĂ©mentĂ© d'un smiley tirant la langue. Elle n'eut alors qu'Ă  se glisser parmi ses collègues, faisant semblant de chercher pendant quelques minutes, puis de sortir de la salle sans que personne ne l’arrĂŞte, un sourire de conquĂ©rante aux lèvres et envahie d’une certitude : les choses allaient enfin pouvoir changer.














Awoken

pour le texte sur le thème imposé personnalisé. Ton texte est très chouette, ce monde post-apo que tu introduis dedans est plutôt chouette aussi. Bravo!


Le 22/04/2022 à 19:53:00

















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