BHOUOUOUM

“Voilà tout est tombé . ”

Au sol des tonnes d'objets et de bibelots éparpillés. L'entièreté des boîtes, étiquetées 2021, 2022, 2034, 2048 et 2066, venait de chuter au sol. Tous les souvenirs nostalgiques de ces années que j’allais devoir re-ranger. Je descends de l’échelle et me mets au niveau du sol. Pour ne pas amocher mon dos je m’assois directement pour ramasser et retrier.

“Rhaaa, mais comment je vais faire ! Les annĂ©es se sont toutes mĂ©langĂ©es …”

J’attrape dans ma main une boussole. Elle est belle, toute dorée à l'extérieur, avec un fond étoilé sur la partie rabattable et la partie avec l’aiguille indique le nord droit et net. La conception de cet objet est d’une rare minutie.

“Oh ça me rappelle de bons souvenirs… dis-je avec le sourire, cette recherche était extra et très drôle avec Dory.

Hummm… Ça, ça a dû être en 2066. Dans la même boite il est censé y avoir …

Ah voilĂ  !”

Ma main attrape un petit cliché d’un banc de tortue, toutes sont noires avec des liserés bleu pétant, sauf une. Elle est blanche avec des traits noirs pour dessiner les contours des écailles de la carapace. Cette dernière s'était perdue. Peu après les événements de Némo les autorités étaient rodées pour aider les jeunes enfants à se repérer dans les fonds marins. La petite tortue perdue retrouva alors facilement ses congénères. Le contraste de couleur rend la photo super choupi.

L'autre chose qui me saute aux yeux, c'est une image découpée d’un journal. L'image est une caricature de mon meilleur ami face à un dragon avec un sweat rouge. L’auteur n’est pas iconographe donc mon ami ne s'appelle pas Michel. Le dragon représente ses opposants aux élections présidentielles. Oui, je peux me vanter que mon plus vieil ami d’enfance, mon meilleur ami en somme, est actuellement président, et c’est son deuxième mandat.

“Ah le deuxième mandat d’Antoine en 2034 !”

Je range d’autres affaires dans la bonne boite et continue mon voyage nostalgique à travers ce que je trouve par terre.

“OH ! LĂ  ! Deux bras d'elfe des Maldives. Ils sont drĂ´les Ă  attraper eux, Ă  sautiller tout le temps. Je me souviens … Il y avait une rĂ©duction Ă  la boutique des fĂ©es. Et les bras mĂŞme coupĂ©s avaient gardĂ© leurs rĂ©flexes de vivant. Ils ne sont pas tant dĂ©composĂ©s. Je remarque avec Ă©tonnement. On peut voir le rĂ©seau de veines mais sinon ça va. Il ne faut surtout pas qu’il subissent des chocs de tempĂ©rature. Ni qu’ils soient en contact avec l'humiditĂ©, c’est propice au dĂ©veloppement de bactĂ©ries, ça. C'est pour ça que je les ai mis dans un sachet en plastique.”

Après rangement de cette étrangeté, j'amasse une pile de papiers administratifs. Ils ne m'évoquent rien. Mais en les parcourant ils ont tous un mois de l'année 2048, alors je les range en conséquence. Entre deux feuilles je tombe sur une carte.

Elle est en carton peu solide, les couleurs sont superbes et surtout il y a de l’or. C’est une carte de tarot enluminée. Elle est tout simplement magnifique. Elle est conservée sous blister bien entendu. Cette carte s'appelle la dame de denier et il ne lui a été reconnu qu’une “sœur jumelle” au monde, qui s'appelle la dame de coupe. Après m’être imprégné les yeux de sa beauté et de son resplendissant doré, je la range à l'année 2022.

Cette même année, et celle d’avant aussi, j'étais allé allé de nombreuses fois au musée. J’ai donc rassemblé tous les tickets.

Près d’un ticket pour une exposition nommée Inferno je trouve un petit Colisée en bois.

“Oh tiens ! Le ColisĂ©e. Rome… que de bons souvenirs, j’ai un t-shirt du pape d'ailleurs… Ahah, cette Ă©poque … c'Ă©tait bien drĂ´le…”

Je me lève avec le Colisée en main, m’approche de mon dressing et je cherche dans les t-shirts, sur les cintres. Et enfin, le voilà, le t-shirt taille M, de l’époque de mes 18 ans, affichant fièrement François Ier avec un grand sourire et un pouce en l’air.

Bien qu’il n’y ait plus grand chose sur le sol lorsque je reviens de mon armoire, il reste quand mĂŞme un peu de travail, des choses Ă  ramasser. Une photo qui instantanĂ©ment me rappelle l’annĂ©e 2066. Une photo des fonds marins. Le mĂŞme jour que le banc de tortues nous avions fait un shooting sous-marin. La photo est celle d’une femme, belle et grande (forĂ©ment, c’est moi !) avec ses longs cheveux. Elle semble danser sous l’eau. Des petits poissons l'entourent.

Les objets les plus fourbes ont glissĂ© jusque sous les meubles. Moi qui ne voulais pas amocher mon dos, c'est ratĂ© ! Je suis bien obligĂ©e de me tordre en spirale et dans tous les sens pour attraper sous les pieds de commode les quelques petits bouts de vie que j’ai laissĂ© Ă©chapper.

“Rhaaa mais ça fait super mal… oh tiens. Je sens quelque chose ! Je le touche ! Je le ramène … Hop !”

Ce que je viens d’extirper de sous le meuble est une photo de mauvaise qualité. On peut tout de même la comprendre. Dessus un large espace dégagé où l’on peut observer les vagues de ballons qui se meuvent dans le ciel. Le soleil vient de se lever et l’effet de lumière est doré. Les ballons sont des montgolfières, colorées et avec des motifs durs à distinguer, dû à la qualité de l’image. Mais dans ma mémoire, tout est net, les montgolfières bougent dans une danse poétique au rythme du vent et des brûleurs qui gonflent les toiles des ballons. La photo n'est pas prise du sol, car nous étions dans l’une d’entre elles. Il existe peut-être d'ailleurs quelque part une photo de moi en hauteur dans le ciel.

Mais le plus Ă©tonnant Ă  propos de ce clichĂ© est qu’il date de 2018. Il y a bien bien longtemps ! La mauvaise qualitĂ© est due au fait qu'elle a Ă©tĂ© prise avec Snapchat, un application de l’époque. Elle n'a donc rien Ă  faire lĂ . Ni sous le meuble, ni parmi les objets des boĂ®tes tombĂ©es… Étonnant ça ! Elle doit ĂŞtre lĂ  depuis longtemps.

Je rassemble les boîtes, toutes bien rangé, remonte sur mon escabeau et les remet en haut de l'armoire en espérant qu'elle ne retombe pas. Pour la photographie des montgolfières, je vais la garder sur le bureau, l'époque pré covid me manque.