“RÉDUISEZ LES VOILES ! KERMIN, Ă€ LA BARRE ! JE VEUX TOUT LE MONDE A SON POSTE ! MESSIRE JOHK ! QUE QUELQU’UN AILLE ME CHERCHER MESSIRE JOHK !

— A vos ordres mon capitaine !”

Sans perdre une minute, le mousse descendit à la cabine du noble et entra sans même frapper, chose que l’homme détestait.

“On frappe avant d’entrer gamin ! Ai un peu de savoir vivre Ă  dĂ©faut de cervelle !

— DĂ©solĂ© messire, mais, le capitaine vous demande sur le pont !

— Qu’est-ce qu’il veut encore ce sagouin ?!

— Nous avons besoin de vous, messire.” Dit l’enfant sans relever, toujours au garde à vous. “Une pieuvre nimbostratus se dirige sur nous.

— Et il ose me dĂ©ranger pour ça ?!

— C’est que, elle a l’air de méchante humeur messire, et l’hécapode nous suit toujours, on doit choisir lequel affronter.”

Le garçon restait toujours aussi impassible, un sourire narquois au bout des lèvres devant la déconfiture subite du noble.

“Que dois-je faire messire ?

— Retourne Ă  ton poste, empotĂ© !” Rugit-il, reprenant contenance tant bien que mal. “Je me prĂ©pare et j’arrive. Qu’est-ce que tu fais encore lĂ  ? Hors de ma vue !”

Le mousse ne se fit pas prier et sortit, toujours aussi calme. D’aucun aurait été surpris du calme du jeune garçon, aucun autre ne serait resté impavide dans pareille situation. Lui, bien que ce soit son premier voyage à bord d’une caravelle, semblait tout à son aise, dans son élément, d’autant plus depuis l’annonce imminente de l’orientation chaotique que prenaient les choses.

Du côté du dénommé Johk, c'était la panique la panique la plus totale. En deux jours, ils rencontraient deux créatures qui n’existaient que dans la mythologie. Évidemment, ces légendes existaient d’un bout à l’autre des deux grands continents, mais, ça n’en faisait pas des êtres réels.

Pour lui, ce n’était qu’un cauchemar, purement et simplement. Et le capitaine qui lui laissait la responsabilitĂ© de choisir le pĂ©ril, quel pourri ! Choisir de finir avalĂ© par un monstre marin ou coulĂ© par une tempĂŞte surnaturelle, puis, avalĂ© par un monstre marin. C’était Ă  lui que revenait la charge de prendre la dĂ©cision, tout ça parce qu’il avait Ă©tĂ© un chevaucheur de dragon. “Avait Ă©té”, c’est bien le mot, après la mort de son ami, il s’était retrouvĂ© diminuĂ©, incapable mĂŞme de percevoir les auras. “Messire Johk, chevaucher de dragon”... Il ne mĂ©ritait plus ce titre, il n’était plus qu’un couard, incapable de faire quoi que ce soit.

“Quitte à mourir… Autant que ça soit rapide…”

Accablé par le poids de la responsabilité, il se rendit sur le pont. La pluie commençait déjà à tomber et tous les hommes s’affairaient à leur tâche sans faiblir. En voyant le magicien sortir, ils se mirent tous au garde à vous.

“Ce n’est pas le moment de saluer, il faut agir si nous voulons survivre !”

Ces mots sortaient-ils vraiment de sa bouche ? La peur lui Ă©treignait le ventre et il disait ce genre de chose ?! Sa voix n’avait mĂŞme pas flanchĂ©.

Il se tourna vers le capitaine qui attendait visiblement son choix. Johk se racla la gorge.

“Nous n’aurons aucune chance si nous affrontons ces deux mythes en mĂŞme temps, je vous propose de faire demi tour et d’affronter l’hĂ©capode. Il nous est permis d’espĂ©rer le vaincre.” Se tournant pour parler Ă  tout le monde, il conclut : “Je ne vous garantis pas de survivre, ça serait vous mentir, mais, ensemble, nous nous battrons, et, si les dieux le veulent, nous vaincrons ces ĂŞtres mythologiques !

— Bien parlĂ© messire !” Appuya le capitaine. “Que les dieux soient avec nous !

— QUE LES DIEUX SOIENT AVEC NOUS !” RĂ©pĂ©ta l’équipage.

“Je doute fortement qu’on en rĂ©chappe,” se marmonna Johk un semblant de sourire au coin des lèvres. “mais, si nous nous battons ensemble, peut ĂŞtre que nous y arriverons… Que les dieux soient avec nous !” finit-il par crier avec les matelots.

Seul le mousse resta muet, offrant un sourire plus pétillant que jamais au noble.