L'Académie de Lu





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Vie et mort d'Ester

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La porteuse d’espoir

(par JilanoAlhuin)
(Thème : porteur)



Quand ses sens s’éveillèrent, la première chose qui lui vint fut l’immonde odeur qu’elle sentit. Manquant de l’étouffer, ses poumons tentèrent de cracher quoi que fut en eux, avant que ses yeux ne s’ouvrent face à des ténèbres sans fin. Pourtant, aucun de ses membres ne pouvait bouger plus de quelques centimètres sur les côtés. En revanche, il y avait de l’espace juste au-dessus, rempli du seul air respirable en ce lieu sombre. Ses jambes furent les premières à agir, frappant au-dessus, aussi aveugles qu’ignorantes.

Le bois se brisa, laissa entrer une terre humide, et avec elle, un brin de lumière. Peu à peu, l’air rempli ses poumons, et chaque membre de son corps se battit pour s’échapper de cette vulgaire prison de bois, qui céda peu à peu, laissant la boue entrée, jusqu’à ce que suffisamment d’espace soit offert pour s’échapper. S’extirpant de cette cage, son regard s’habitua au peu de lumière ambiante offerte par une lanterne proche.

Chaque pas était une épreuve, mais un don. Extirpée d’un sommeil bien trop long à son goût, elle s’avança jusqu’à la lueur se trouvant devant elle. Elle réalisa combien ses vêtements de bataille étaient en mauvais état, mais découvrit surtout qu’il lui manquait sa précieuse lame, sœur de bataille depuis des années maintenant. Pourtant, la jeune femme prit une simple inspiration avant de marcher. Malgré sa fatigue qu’elle maudissait, elle suivit l’humble chemin se présentant à elle, ne laissant que des traces que la pluie se contenterait d’effacer.

Sa solitude ne fut brisée que par des bruits lourds, métalliques. Arrivant au croisant d’une rue, elle découvrit un garde, probablement au milieu d’une ronde. Ce dernier s’arrêta et, comme touché par un mauvais réflexe, mit sa main à sa ceinture, là où se trouvait son arme. Au bout de quelques secondes, il se calma, soupirant quelques mots inaudibles pour la pauvre paysanne devant lui.

— Bonsoir, madame. Ne devriez-vous pas être chez vous au lieu de trainer sous cette averse ? lui demanda-t-il, un brin de peur dans la voix.

Elle ne lui répondit pas, se contentant d’un frottement sur ses yeux. Il vit alors ses mains, couvertes de blessures, et de la saleté qui donnait à l’étrangère une allure d’esclave avec sa tenue déchirée. Par bonté, ou par pitié, elle ne le savait guère, l’homme lui fit un signe de le suivre. Avec un silence parfait, elle l’accompagna. Il se retourna plusieurs fois, s’assurant de sa présence, avant de lui montrer un gigantesque bâtiment. Elle leva les yeux, pour reconnaitre là une simple église. Il frappa à la porte qui s’ouvrit, présentant derrière un vieil homme, qui observa les deux arrivants. Le garde lui montra d’un signe la jeune femme sans daigner dire quoi que ce soit, haussant les épaules pour montrer son manque d’informations concernant cette étrangère. Le garde s’en alla tout aussi vite, accélérant même pour ne pas rester prêt d’elle. Le vieil homme lui intima d’entrer.

L’église, vide, semblait porteuse d’augure. Bonne ou mauvaise, elle n’en savait rien. Elle observa la statue au centre, à qui étaient envoyées toutes les prières. Le visage caché, elle portait une main vers ceux qui s’approchaient, tout en gardant l’autre sur une arme. Ce n’est que quand elle entendit le vieillard se râcler la gorge qu’elle quitta sa torpeur. Il lui apporta tout d’abord une nouvelle tunique brune, ainsi qu’une braie et une paire de bottes, idéales pour les voyageurs, le tout accompagné d’un seau rempli d’eau pour enlever la saleté boueuse qui l’enveloppait.

— Je ne devrais pas vous donner cela, mais je ne voudrais pas que vous repartiez dans le même état que celui dans lequel vous êtes arrivés, avoua-t-il en fermant les yeux, priant pour le pardon dans un murmure.

Elle l’observa en silence, avant de prendre la tenue devant ses yeux. Elle esquissa un simple sourire, reconnaissant une certaine similarité avec ses propres vêtements qu’elle appréciait, pour leur légèreté et leur confort en tout temps. Elle se surprit même à penser qu’il s’agissait des mêmes.

— Où les avez-vous trouvés ? dit-elle d’une voix rauque.

Elle toussa après ses paroles, avant de commencer à se débarbouiller, chose qui força le vieil homme à enlever son regard de sa personne.

— Permettez que je vous explique une fois que vous ayez fini. Son histoire mérite d’être vue dans son ensemble. répondit-il d’une voix tremblante.

Elle acquiesça en silence, avant de s’habiller et de s’approcher du seau d’eau, observant son propre reflet. Ses cheveux avaient-ils toujours été si blancs qu’ils ne l’étaient maintenant ? Elle secoua la tête, plaçant cela sur les runes qu’elle usait.

Le vieil homme la guida peu après dans un long couloir, suivi d’un escalier descendant au plus profond de la terre. Une double porte en acier s’offrit à eux, qu’il ouvrit avec peine. Elle traversa le passage et se figea, ses yeux grands ouverts sur la figure de marbre devant elle. La statue devant elle aurait pu ressembler à n’importe qui. Les mains posées sur une lame d’acier aux symboles rouges, la statue était presque trop parfaite pour la jeune femme. Ce qui l’inquiéta plus fut les trois tombes, ainsi que l’espace vide, aux côtés de la statue.

— Permettez que je vous explique tout ceci, fit le prêtre en s’avançant vers la statue qu’il observa en souriant. Il y a, de cela soixante ans, notre monde fut attaqué de toutes parts. Une armée…

— … de revenants, le coupa-t-elle en s’approchant de l’épée. Les nations se sont unies une unique fois contre cet ennemi qui n’avait pas de fin, créant pour eux un soldat qui repousserait la menace, usant de runes et de magie anciennes. Elle s’était portée volontaire au conseil…

Il se tourna vers elle, étonné.

— Oui, c’est exact. Elle a ensuite formé sa propre…

Il s’arrêta au milieu de sa phrase, la fixant de plus en plus. Son regard alterna entre la statue et la femme, qui approcha doucement sa main de la garde de l’épée, dont les runes rouges s’illuminèrent.

— Elysia… murmura-t-il, tombant en arrière.

Elle saisit son épée avec les deux mains. Elle ressentit alors toute la force qu’elle avait perdue, toute cette magie enfouie qu’elle avait usée. Mais avec cela lui vint une horrible douleur qui la força à genoux. Le prix à payer pour son dernier sortilège.

— C’est impossible, vous êtes… morte ! s’exclama le vieillard terrifié.

Le souvenir brûla dans la mémoire de la jeune femme, se rappelant ses derniers instants. Elle se souvint de l’elfe, à qui elle avait hurlé de partir, qu’elle les retiendrait tous. Il avait serré les dents, refusé, pourtant, elle avait fini par le convaincre. Une infinité de revenants cadavériques. Elle s’en souvenait très bien. Des dizaines, des centaines de monstres au but unique qui étaient prêts à avancer, sauf si elle faisait quelque chose.

Elle se souvint de chaque épée, de chaque flèche, de chaque griffe, croc, qui avait percé son corps ce jour-là. Elle observa son épée en silence, les dents serrées. Trois runes s’inscrivirent en silence. Elle ferma les yeux et sentit une dernière lame percer sa chair. Sa propre épée, qu’elle avait planté d’elle-même.

— J’aurais dû mourir, oui, acquiesça dans un murmure Elysia, une larme coulant en s’approchant des trois tombes, chacun portant le nom d’un de ses amis proches. Mais je ne peux pas.

Le vieil homme prit une profonde inspiration avant de se tourner à nouveau vers la statue, dénuée de lame désormais. Cette figure qui l’avait enjoint à aider son prochain, comme il fut sauvé par le passé par celle maintenant devant lui.

— Ils rôdent toujours, je me trompe ? demanda-t-elle simplement, en se tournant vers le vieillard.

Il acquiesça d’un signe de tête.

— Vous n’êtes pas obligée. Vous êtes déjà morte une fois pour ce monde… Tout comme eux.

— C’est justement pour ça que je le dois.

Elle s’apprêta à quitter le prêtre pour remonter et partir.

— Attendez ! Laissez-moi au moins vous donner un coup de main. Pour ce que vous avez déjà fait…

Elle soupira un simple « très bien », avant d’être suivie par l’homme, qui une fois en haut, s’écarta quelques instants avant de lui donner un sac.

— Il n’y a que des vivres, je ne peux vous donner plus… Mais j’espère que cela vous suffira.

— Amplement.

Elle ouvrit la porte, ressentant la pluie sur son corps revigoré.

— Merci, dit-elle en quittant la bâtisse, laissant le prêtre derrière elle.

— Puisse notre seigneur veiller sur vous, porteuse d’espoirs... murmura-t-il dans la nuit, espérant que ses prières l’accompagneront à chaque instant.




























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