Il faisait froid cette nuit-là. L’hiver s’était installé depuis près de trois mois et gelait tout ce qu’il touchait.

Des pas résonnèrent dans les rues, la neige peinant à étouffer les claquements des semelles de bois. Une silhouette courte sur patte passait en courant devant chaque porte, y déposant des bols en bois remplis de pétales. L’ombre toquait rapidement aux portes et, quand quelqu’un sortait d’une maison, elle avait déjà disparu.

L’enfant passa devant une centaine de maisons avant qu’un vieil homme ne le prenne enfin sur le fait. Il était resté sur le péron, semblant attendre le porteur de printemps.

“Gariot, rentre chez toi, l’hiver n’est pas fini.”

En entendant le vieillard, le gamin sursauta, faisant tomber le bol qu’il avait à la main. Il se baissa pour ramasser les pétales éparpillées un peu partout dans la neige. Aucun son ne sortit de sa bouche.

“Gariot ! tu m’as entendu ?! Rentre chez toi !”

Le petit garçon continua de ramasser les pétales en chuchotant quelque chose d’incompréhensible. Quand il eut fini de tout remettre dans le récipient, il tandis ce dernier au vieil homme, osant à peine le regarder.

Le grand-père regarda les morceaux colorĂ©s. C’était bel et bien des fleurs… En plein hiver ?!

“Gariot, oĂą as-tu trouvĂ© ces pĂ©tales.” L’enfant balbutia quelque chose avant de tendre plus fort le bol. “Excuse-moi, tu peux rĂ©pĂ©ter ?” Nouveau balbutiement. “Ecoute, fais un effort, je n’entend rien.

— L… Le… Le printemps est au temple !”

Fini par crier le jeune garçon avant de déposer le récipient par terre et de s’enfuir en courant.

Il continua sa tournée sans plus rencontrer personne à son grand soulagement. Une fois son tour des maisons fini, il retourna où il avait trouvé ses offrandes; il sortit du village, grimpa une petite colline et s’arrêta devant les portes d’un grand bâtiment. Le temple était un édifice datant de l’ancien roi gnome. Son crépis fissuré, ses tuiles tombées et la mousse qui le recouvraient témoignaient de ses trois cent ans d’existence. Il avait été restauré plusieurs fois depuis sa création, mais depuis l’interdiction de rendre grâce au dieu auquel il était dédié, presque plus personne ne s’y rendait.

Gariot mit sa main sur son front puis sur son cœur, signe de piété envers la divinité du lieu et ancien salut du royaume. Il entra.

L'intérieur était tout aussi décrépi, il n’y avait que l’autel qui était un tant soit peu entretenu. Derrière la statue représentant le dieu gnome de la magie, Wudduh, un magnifique arbre aux fleurs d’un bleu tirant sur le violet trônait, fier, inébranlable. Il avait presque fusionné avec le bloc de pierre soutenant la figure divine. Ses branches, robustes, couvertes de feuilles d’un vert sombre, s’étaient mêlées aux poutres qui semblaient soutenir le ciel.

L’enfant, devant l’autel, refit le signe religieux avant de venir grimper dans l’arbre et de se lover dans un creux formé par la ramure de la plante merveilleuse. Là, il s’endormit, le sourire aux lèvres.

Pour lui, comme pour ceux qui verraient l’arbre, sa floraison ne pouvait dire qu’une chose : Le temps de la renaissance pour le peuple gnome arrivait. BientĂ´t, les hommes seraient dĂ©faits et leur tyrannie prendrait fin. BientĂ´t, le peuple corrach serait libre. BientĂ´t, le printemps.