C’est avec un certain plaisir que je vois le regard de Jin s’éclairer quand je lui présente mes trouvailles du jour. Je les pose une à une sur son bureau improvisé, avec une lenteur calculée. Dans l’étal, il prend une petite boîte en métal – dont l’utilité m’a échappé – et l’inspecte sous tous les angles en cherchant à capter la lumière de nos éclairages sommaires. C’est assez petit pour qu’il puisse dissimuler l’objet entier dans sa paume. Il ne me regarde même pas pour poser sa question.
— Tu les a trouvées où, tes antiquités ?
— Chez un antiquaire, justement.
Il relève la tête pour hausser un sourcil blanc.
— … C’est une blague ?
— J’suis cent pour cent sérieuse.
Première fois que je vois Jin sourire. Comme s’il avait pas assez de rides. Le vieux vigile passe l’ongle dans une rainure et force l’ouverture de la boîte, dévoilant une petite roue crantée et ce que je devine être un bouton. Il effleure la roue dentelée.
— J’vais te rebaptiser “Prométhée”, pour la peine…
C’est à mon tour de hausser un sourcil. Je suis assez calée en Histoire ; moins en légendes. Mais le nom m’est assez familier pour raccrocher les wagons.
— … Prométhée, c’est pas le Titan qui a apporté le feu aux ho-... ? Attends, ça fait du feu, ce machin ?
— Ce “machin”, c’est un briquet comme on en trouvait beaucoup vers le XXe siècle. Mon grand-père en avait une sacrée collection.
Il porte l’allume-feu à son oreille avant de l’agiter doucement. À son air satisfait, je devine que l’outil doit pouvoir encore fonctionner.
Il pivote sur sa chaise, interpellant une autre Ă©claireuse.
— Hey ! Esther !
— Ouais ? répond cette dernière depuis l’autre bout du sous-sol.
— T’as bien dit que t’avais vu un cerf ce matin, non ?
Un silence.
— … Oui, et ?
Le sourire énigmatique de notre meneur s’élargit. Il se tourne alors vers notre cheffe cuisinière attitrée – qui s’était approchée pour observer mes découvertes.
— Katarzyna !
La polonaise tressaute, comme pris en flagrant délit.
— Cerf. Animal de chasse. Tu sais cuisiner ?
Elle prend quelques secondes pour traduire ce semblant de phrase.
— Tak, fait-elle en hochant la tête.
Je n’ai jamais vu Jin avoir l’air si heureux et machiavélique à la fois. Il tape des mains pour attirer l’attention de la petite douzaine de membres que constitue notre groupe de survivants.
— On va avoir besoin de matos et d’un espace ouvert, mais si on se débrouille bien, d’ici quelques jours, on va enfin pouvoir se remplir l’estomac et même faire quelques réserves. Je compte sur votre participation à tous.
En quelques secondes, le volume sonore monte drastiquement. Les hypothèses fusent. Je me penche vers Jin.
— Tu veux aller dehors pour faire un barbecue, ou quoi ?
Il lève les yeux vers moi, continuant de jouer avec le clapet un brin rouillé du briquet. Son sourire et ses yeux plissés m’effraient presque.
— … Précisément…
