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JilanoAlhuin![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Le bouffon de la couronne(par JilanoAlhuin)Un jeune garçon courait entre les caravanes du convoi. Ses poumons manquaient d’exploser, entre tous les allers-retours qu’il avait faits. Ses cheveux bruns Ă©taient trempĂ©s Ă cause de la transpiration, ses yeux vert Ă©meraude jetaient des regards partout Ă la fois, comme essayant de trouver le moindre problème pour le rĂ©gler avant mĂŞme qu’il n’apparaisse, et malgrĂ© le froid, il ne portait qu’une fine chemise grisâtre, un pantalon noir et des chaussures brunes. Il finit par s’arrĂŞter, tentant de reprendre sa respiration. MalgrĂ© son âge, il semblait avoir plus travaillĂ© que quiconque, si l’on enlevait son supĂ©rieur, sur ce convoi. — Patron ! Patron, on a besoin de vous ! Bordan avait frappĂ© une vingtaine de fois en un temps record sur la porte de la caravane de son supĂ©rieur. Il fut accueilli par un visage las, dĂ©rangĂ© et presque prĂŞt Ă le frapper. S’il n’était pas un employĂ© utile, il l’aurait sans doute Ă©tĂ©. — Qu’y a-t-il encore ? Un enfant s’amuse un peu trop près des cages ? Un cheval s’est encore enfuit ? L’homme, âgĂ© d’une quarantaine d’annĂ©es, Ă©tait Ă©puisĂ©. Ses yeux bleu cobalt fatiguĂ©s avaient perdu toute trace de sympathie et ses rides lui donnaient l’impression d’avoir vĂ©cu dĂ©jĂ toute une vie. Ses cheveux bruns s’étaient teintĂ©s de gris, et la vue commençait Ă lui faire dĂ©faut. Depuis qu’il dirigeait ce convoi de fĂŞte ambulant, il n’avait fait que travailler sans s’arrĂŞter pour se reposer. Depuis vingt-deux ans, trois mois, dix-neuf jours et cinq heures. Depuis que son père lui avait lĂ©guĂ© son hĂ©ritage, en somme. Il lui avait parlĂ© d’une vie paradisiaque et tranquille. Un rĂŞve bien lointain pour l’homme qui avait regrettĂ© au bout de quelques mois seulement ce « cadeau ». — Je… Non, nous sommes fiers de pouvoir dire que cela ne s’est pas reproduit depuis trois semaines ! — Ce n’est pas une fiertĂ©, cela ne devrait mĂŞme pas arriver ! s’énerva Kinsey. — DĂ©solĂ© patron ! — Viens-en aux faits. C’est quoi le souci ? — Nous commençons Ă manquer de vivres. Je crains que nous en manquions avant le prochain village. Cela a Ă©tĂ© plus… compliquĂ© que prĂ©vu de les conserver. — Tu es en train de me dire qu’elles ont… Par tous les dieux, Bordan, c’est le seul travail que je te demande ! VĂ©rifier que cela ne pourrisse pas ! C’est trop demandé ? — N…Non, mais j’ai juste Ă©tĂ© dĂ©bordé ! Vous n’imaginez pas Ă quel point ça a Ă©tĂ© dur de gĂ©rer les divers problèmes, le sommeil, le moral de vos employĂ©s, sans compter les paiements et… — C’est pas ton travail, les paiements, c’est moi qui gère ça. Et c’est pareil pour les problèmes ! Je ne peux pas rester cinq minutes sans qu’un incident ne se produise ! J’ai autre chose Ă faire que de faire des sermons Ă longueur de journĂ©e ! — Certes, mais vous ĂŞtes tellement… — Tellement ? — Je… Et bien… Enfin, vous savez quoi ! — Non, je ne sais pas, et je n’ai pas envie de savoir, finalement. Je vais voir moi-mĂŞme comment les autres se dĂ©brouillent. Il ferma aussitĂ´t la porte, et se prĂ©para, quittant un semblant de confort pour se vĂŞtir d’une tunique bleue, d’un pantalon noir et de chaussures de mĂŞme couleur. Le dirigeant de la fĂŞte descendit de sa caravane et vagabonda, accompagnĂ© par le jeune garçon qui tenta tant bien que mal de lui proposer des solutions. Il profita de ce temps pour saluer brièvement les nomades qu’ils avaient eu la chance de rencontrer. Ces voyageurs souhaitaient Ă©tablir un nouveau village dans des terres fertiles Ă©loignĂ©es des grandes villes. Cela n’avait l’air de rien, mais ils leur donnaient une occasion en or pour tenter d’obtenir un peu d’argent. Et peut-ĂŞtre une option pour quitter cette escorte de foire. — Pour les vivres, si j’ai bien calculĂ©, nous devrions pouvoir nous ravitailler au village près du delta du fleuve Corsandre, Ă l’est d’ici. Nous pourrions d’ailleurs en profiter pour nous remettre sur la bonne voie, et en profiter pour Ă©tendre notre commerce ! — C’est un dĂ©tour d’au moins une semaine ! — Certes, mais sans cela, je doute que nous tenions la route. — Si cela vaut vraiment le coup, alors faisons ce fichu dĂ©tour. Nous sommes dĂ©jĂ en retard sur notre trajet, alors un peu plus, un peu moins, cela ne changera pas grand-chose, Ă ce stade. Tu en profiteras d’ailleurs pour t’assurer de la propagation de nos prospectus. S’il faut, tu demanderas de l’aide Ă Delavir. Cela peut toujours nous servir. Et après, on reprend notre trajet initial. — Normalement, cela ne devrait pas poser de problème. — C’est pas « normalement », je te le dis, on va faire comme ça, et ça posera pas de problème. Bordan acquiesça d’un signe de tĂŞte, puis s’éloigna de son patron pour reprendre ses va-et-vient. Kinsey profita de ce moment de solitude pour observer les chariots de ses employĂ©s. Il se tourna vers les cages des lions, et soupira quand leur maitre faillit perdre un bras en les nourrissant. Il se mordit les lèvres quand il aperçut un de ses employĂ©s gâter un enfant car il avait fait tomber une vieille bouteille avec une vulgaire balle, lui offrant tellement de jouets qu’il ne parvenait pas Ă les tenir dans ses bras. Il eut envie de pleurer quand il entendit un de ses vendeurs qui tentait du mieux qu’il pouvait de justifier l’état de la nourriture aux clients. — Par pitiĂ©, que quelqu’un me libère de tous ces bouffons… J’en ai assez de cela, j’en ai assez d’eux, j’en ai assez de cette fichue fĂŞte, j’en ai assez de cette vie ! murmura-t-il, au bord de la crise de nerfs. — Patron ? Kinsey puisa dans ses forces les plus enfouies pour ne pas hurler sur Bordan. — Quoi encore ? — Et bien… Je crois que nous pouvons partir. Nos clients ne vont pas rester plus longtemps. — Et pourquoi ça ? Quel foutu problème ce convoi Ă deux pièces a encore pour que la seule clientèle qu’on rencontre dĂ©cide de partir ? — C’est… l’orage, patron. Ils souhaitent pouvoir Ă©tablir un village au plus vite, et ils n’ont pas envie de rester sous la pluie, aussi gĂ©nĂ©reux se sont montrer mes collègues. Comme pour se moquer de lui, le tonnerre gronda, et la pluie s’abattit sur eux. — Je… Oui, c’est… normal. Ordonne Ă tout le monde de prĂ©parer les chariots, nous allons partir et nous diriger vers le village nous ravitailler. RĂ©partis les tâches communes aussi vite que possible. Nous n’avons pas une minute Ă perdre. — Bien, patron. Le dirigeant de la foire alla dans sa caravane et s’installa. Il se laissa tomber sur ce qui lui servait de lit, un vieux matelas miteux Ă peine en Ă©tat. Il se laissa aller au sommeil, espĂ©rant pouvoir se reposer ne serait-ce que quelques minutes. Quand il rouvrit les yeux, il ne vit que de l’obscuritĂ©. Ă€ moins que cela ne soit que le vide. Un lieu sans lumière, sans la moindre chose. Et pourtant, sous ces pieds, il sentait quelque chose de bien solide. Il avança de quelques pas, le cĹ“ur battant la chamade, effrayĂ© et fascinĂ© par ce lieu. Il ouvrit la bouche pour appeler Bordan, pensant qu’il lui rĂ©pondrait, mais aucun son ne sortit. — Penses-tu vraiment qu’ils feront l’affaire ? — Je suis certaine qu’ils seront de parfaits esprits pour ma petite idĂ©e. Kinsey se tourna, espĂ©rant voir qui parlait. Il dĂ©couvrit un homme, si un humain Ă©tait capable d’avoir un regard aussi brĂ»lant que le sien. Il n’était vĂŞtu que de noir. Enfin presque, il portait une ceinture qui Ă©mettait une lĂ©gère lumière, presque Ă©teinte. Pendant un instant, il crut qu’il s’agissait d’étoile. L’autre Ă©tait une femme aux vĂŞtements et aux cheveux violets, bien qu’assombrit par ce qui semblait ĂŞtre de la roche Ă ses yeux. Sur sa chevelure se trouvait une couronne brisĂ©e. — Après tout, je ne vais faire que rĂ©aliser leurs souhaits, tout en Ă©tendant notre royaume. Nous sommes tous gagnant, dans cette histoire, dit la femme, un sourire sadique aux lèvres. L’homme de foire tenta de parler, mais l’inconnu l’arrĂŞta d’un claquement de doigts, scellant ses lèvres comme s’il n’en avait jamais eu. — Shhh. Nul besoin de tes paroles. La reine a parlĂ©. Sois en heureux, elle exaucera ton souhait. Maintenant va, et observe donc ton rĂŞve se rĂ©aliser. A peine eut-il entendu cela que Kinsey se rĂ©veilla dans sa caravane. Il ouvrit la porte de celle-ci, voyant tout simplement ses employĂ©s prĂŞts Ă partir. — Patron, vous allez bien ? Bordan semblait inquiet. — Je… Ce n’est rien. Hum… Est-ce que tout est prĂŞt ? — Oui. Vous aviez autre chose en tĂŞte ? — Non, non pas vraiment. Nous pouvons partir dès maintenant. Je te laisse mener le convoi, Bordan. Je dois… me reposer.
Il ferma la porte et s’installa Ă nouveau sur son lit de fortune. Il ne lui fallut que quelques minutes pour s’assoupir. Le lendemain, quand il se rĂ©veilla, il s’attendait Ă entendre Ă nouveau les cris du jeune homme l’appeler Ă l’aide. Mais il fut agrĂ©ablement surpris de ne rien entendre. Il profita d’un moment de pause du chariot pour observer si tout allait bien, imaginant dĂ©jĂ de nombreux scĂ©narios se passant mal. Pour la première fois, tout semblait aller bien. Les animaux Ă©taient calmes, ses employĂ©s ne causaient pas de problèmes, et Bordan s’apprĂŞtait dĂ©jĂ Ă continuer la route. Il s’approcha de son supĂ©rieur un sourire aux lèvres. — Bien reposĂ©, patron ? — Oui, suffisamment au moins. Il n’y a pas de problèmes ? — Non. — Pas de lions mal nourris ? De chevaux enfuis ? — Non et non. — Pas de dispute ? — Toujours non. Kinsey se pinça le bras. — Je… c’est bien. Très bien, mĂŞme. Je… Je vais retourner me reposer. Tu as l’air de bien te dĂ©brouiller. PrĂ©viens-moi quand nous serons arrivĂ©s, s’il te plait. — Oui patron. Le quarantenaire retourna alors dans sa caravane. Il soupira d’aise avant de se rĂ©installer. Il rĂŞvait depuis si longtemps d’un moment de paix comme celui-lĂ . Une semaine se passa sans que Bordan ne vienne une seule fois le dĂ©ranger. Ni mĂŞme quelqu’un d’autre. Lorsque le convoi s’arrĂŞta et que Kinsey dĂ©couvrit le village, il eut pour une fois depuis bien longtemps un sourire aux lèvres. Il descendit et vĂ©rifia par suretĂ© l’état de sa troupe. Tout allait bien. Il en aurait presque pleurĂ© s’il ne devait pas garder son image auprès de ses employĂ©s. Il se dirigea vers son fidèle second, qui discutait avec un villageois. — Et donc, vous pouvez nous aider ? — Oui, cela ne devrait pas ĂŞtre un problème. PrĂ©parez votre petite fĂŞte, nous nous occupons des vivres. Cela ne devrait pas prendre longtemps, et je suis certain que tout le monde sera content ! — De quoi parlez-vous donc ? s’enquit le chef de foire tandis que le villageois s’en alla. — Oh patron, je ne vous avais pas vu. Vous allez bien ? — Je… Oui, mais toi ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Bordan semblait n’être qu’une pâle copie de lui-mĂŞme. Ses cheveux Ă©taient mal coiffĂ©s, de nombreux cernes Ă©taient prĂ©sentes, son enthousiasme quotidien semblait l’avoir quittĂ© et il tenait Ă peine debout. — Moi ? Oh… Rien de spĂ©cial. Un peu fatiguĂ©, c’est tout. — Un peu ? Tu t’es vu ? Tu ressembles plus Ă un cadavre ! — Peut-ĂŞtre que j’en suis un ? — Qu’est-ce qu’il s’est passĂ© toute cette semaine pour que tu sois aussi fatigué ? — Oh… rien, rien, je vous assure ! — Dis-moi tout, maintenant. — Je… Enfin j’ai juste menĂ© le convoi, comme demandé… — Tu as dormi combien de temps ? — Borf… Quelques heures ? C’était assez. — Quelques heures ?! — J’ai rĂ©ussi Ă tenir, vous vous ĂŞtes reposĂ©, c’est le principal, non ? — Bordan, je ne t’ai jamais demandĂ© de te pourrir la santé ! Va te reposer maintenant. — Mais… — Si tu ne le fais, tu es virĂ©. Alors prends ça et va te reposer ! dit Kinsey en lui donnant quelques pièces. Le jeune homme ne tenta pas de dĂ©battre plus longtemps. Il acquiesça d’un signe de tĂŞte avant de se diriger vers l’auberge du village, murmurant que tout allait bien se passer Ă rĂ©pĂ©tition. Kinsey s’occupa alors de la paperasse quotidienne et des prĂ©paratifs de la fĂŞte pour ce petit village. Quelques feux d’artifices, quelques tours avec les animaux, quelques jeux pour les enfants, et tout irait bien. Il n’y avait pas eu de problème durant tout le trajet, la chance leur souriait peut-ĂŞtre. Les vivres arrivèrent au milieu des prĂ©paratifs, au plaisir du maitre de foire. Les tentes furent montĂ©es, les jeux exposĂ©s et les explosifs apprĂŞtĂ©s. Les clients arrivèrent ensuite, profitant de la fĂŞte des forains. Kinsey sourit. Pour la première fois depuis tout ce temps, tout allait bien. — Je ne savais pas que vous pouviez sourire. Bordan arriva aux cĂ´tĂ©s de son patron. Il semblait plus requinquĂ©, bien que les marques de la fatigue n’avaient pas disparu. — Qui donc ne pourrait pas ? — Oh, après le temps passĂ© avec vous, je pensais que c’était impossible. — Tu ne me connais que depuis deux ans. — C’est beaucoup, pour moi. En plus, c’est mieux de vous voir sourire. — Tu dis ça comme si je râlais tout le temps. — Mmmh… Vous le faites. — Pas tout le temps. — La majeure partie du temps ? — Ça, sans doute ! Les deux rirent ensemble, observant les festivitĂ©s. Lorsque la nuit tomba, Kinsey proposa Ă son second d’allumer les feux d’artifices. Les villageois n’attendaient plus que ça. Le jeune garçon acquiesça, et commença le spectacle pyrotechnique. — Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu autant de joie dans notre fĂŞte, si j’en ai ne serait-ce que vu. — Vous exagĂ©rez. — Non, loin de lĂ Â ! Ces festivitĂ©s ne sont en gĂ©nĂ©ral que accueillies pour des raisons particulières. Des fĂŞtes pour un roi, une reine, ou ce genre de choses. Des Ă©vĂ©nements importants ! Crois-moi, notre itinĂ©raire est presque un miracle. Mais un excellent miracle ! — Et bien, fĂŞtons cela pour ce beau miracle, alors. Autant en profiter un peu ici ! — Excellente idĂ©e ! Je vais nous offrir un… Un hurlement d’un villageois le coupa. Pendant un instant, le quarantenaire crut Ă un feu dĂ©clenchĂ© par la fĂŞte. Un par un, les citoyens furent gagnĂ©s par la panique. Kinsey chercha quoi qui puisse lui indiquer la source de cette peur, en vain. — Que se passe-t-il ? Pourquoi partent-ils ? — Pa… Patron… Le ciel ! Kinsey leva les yeux vers les Ă©toiles, sans voir la moindre chose. Il ne voyait que les astres sur leur manteau noir. — Bordan, je ne vois strictement rien. — Mais concentrez-vous ! Vous ĂŞtes aveugle ?! Le chef de foire passa outre le langage de son employĂ© et plissa les yeux. Les Ă©toiles semblaient se dĂ©placer Ă©trangement. Non, ce n’étaient pas des Ă©toiles. Il s’agissait d’une main. Une main gĂ©ante qui se formait Ă l’aide des constellations. Kinsey vit alors un bras se former, puis le corps, et le visage. Un visage au sourire sadique. Il le reconnut aussitĂ´t. — Patron, il faut partir ! Patron ! L’homme ne bougeait pas. Il se laissa tomber Ă genoux. — C’était un rĂŞve ! Un rĂŞve ! — Patron, levez-vous, par pitié ! — TOUT CELA N’EST QU’UN RĂŠVE ! La gĂ©ante d’étoile ferma la main. Les deux hommes se retrouvèrent ailleurs. Tout deux semblaient connaitre cet endroit. En face d’eux se retrouvait l’entitĂ© noire et Ă ses cĂ´tĂ©s, la jeune femme jouait avec dans ses mains des… morceaux de pierres. — Où… OĂą sommes-nous ? demanda Bordan, brisant le silence. — Cela dĂ©pend. Vos corps ou vos âmes ? Vos corps sont sur ceci, dit la femme en prĂ©sentant les cailloux sur sa main. Votre petite planète. OĂą plutĂ´t, ce qu’il en reste. La destruction d’un monde… C’est exaltant ! Mais vous aurez l’occasion de le dĂ©couvrir par vous-mĂŞmes. — Vous avez… Vous avez dĂ©truit notre planète ? — Et oui, quelle tristesse ! intervint l’homme en noir. — Vous vous rendez compte… — Du nombre de morts ? Quel dommage, vraiment. Presque autant que… comment s’appelait-elle, cette planète ? Pandora, il me semble. — Ce n’est qu’une parmi tant d’autres. Khoral aussi a succombĂ©, souviens t’en, tu t’en es occupĂ© toi-mĂŞme. — Oh oui, quelle fascinante planète. Ils avaient tentĂ© de se dĂ©fendre ! Ils Ă©taient si adorables. Les deux hommes de foires les observèrent en silence. Ils dĂ©truisaient des planètes. Et cela ne faisait que leur procurer du plaisir. — Qu’est-ce que… qu’est-ce que vous nous voulez ? demanda Kinsey. Vous avez dĂ©truit tout ce que nous possĂ©dions. — Quelle grossière erreur ! intervint l’homme en noir. Ils vous restent vos âmes. — Cela ne change rien ! hurla-t-il. La femme se mit Ă rire. — Ces mortels, tous… tous aussi divertissant ! Ces esprits sont parfaits. — Je ne vois pas ce qu’il y a de drĂ´le ! ajoute Bordan. Peut-ĂŞtre que vous pourriez rĂ©pondre au lieu de vous foutre de lui ! D’un claquement de doigts, les deux hommes furent sĂ©parĂ©s. Au milieu d’eux, les Ă©toiles tournèrent et un corps se crĂ©a. Un cercle sans yeux, bouche ou nez Ă la place du visage, tournant sur lui-mĂŞme au milieu de sa tĂŞte, avec sur elle un ridicule chapeau bleu et noir brillant dont quelques mèches tombaient, le tout sur un corps portant un costume de bouffon, divisĂ© en quatre par les mĂŞmes couleurs que le chapeau. — Je ne fais que rĂ©pondre Ă vos souhaits, tout en rĂ©pondant Ă nos besoins. Ton « patron » voulait changer de vie. Toi, tu souhaitais ĂŞtre Ă sa place. Je vous offre Ă tous les deux cette chance. Vous devriez ĂŞtre satisfaits. Nous avons tout un royaume Ă construire, Croward et moi-mĂŞme. La destruction de planète est un passe-temps, mais l’ennui nous gagne, de temps Ă autre. Quoi de mieux qu’un bouffon pour nous divertir ? Avec deux esprits comme les vĂ´tres, vous serez parfaits. — Mais il n’y a qu’un corps… — Je sais. Je me demande qui dominera l’autre pour nous servir. J’ai si hâte de vous voir Ă l’œuvre ! Un nouveau claquement de doigts. Le quarantenaire et le jeune homme se sentirent alors attirer par ce corps, comme aspirer. Ils rĂ©sistèrent autant qu’ils purent, jusqu’à ce que la force qui les avait aidĂ©s jusque-lĂ ne disparaisse. Le bouffon tomba Ă genoux, les mains sur la tĂŞte. Un cri, Ă moins qu’il n’y en ai deux, se fit entendre. Le visage de Bordan apparut sur la tĂŞte du clown, puis celui de Kinsey, interchangeant avec l’autre tandis qu’il tournait sur lui-mĂŞme. Après de longues minutes, Ă moins que cela ne fut des secondes ? Des heures ? Des jours ? Des semaines, peut-ĂŞtre ? Les bras du bouffon retombèrent. Le visage cessa de tourner. La crĂ©ature se releva. Un des yeux Ă©tait bleu cobalt, l’autre Ă©tait vert Ă©meraude. De rares cheveux gris se trouvaient sur des mèches brunes, tandis que le sourire Ă©tait Ă la fois rieur et pleureur. Une marque de larme se trouvait sous l’œil bleu, le forçant Ă se lamenter pour l’éternitĂ©. L’homme en noir s’approcha de la chimère, fier de cette nouvelle crĂ©ation. — Quel est ton nom, cher bouffon ? Le clown posa un genou au sol et baisse la tĂŞte. — Je… Je suis Kindan. Et vous ĂŞtes… mon roi et ma reine. — Va, Kindan. Va Ă©tendre notre royaume. Et divertis-nous. Comme pris d’une Ă©nergie nouvelle, le bouffon se leva aussitĂ´t. Il Ă©mit un rire hystĂ©rique, salua ses nouveaux seigneurs, avant de sautiller et de disparaitre. Il se devait de divertir la couronne.
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