L'Académie de Lu





Pas encore inscrit ? /


Lien d'invitation discord : https://discord.gg/5GEqPrwCEY


Tous les thèmes
Rechercher dans le texte ou le titre
Expression exacte
Rechercher par auteur
Rechercher par type de défi
Tous les textes


PseudoMot de passe

Mot de passe perdu ?

Chroniques d'un écureuil


Renarde mécano

(par Awoken)
(Thème : mĂ©canique)



Dans une pauvre ruelle pleine de détritus à l’odeur que je ne me risquerais pas à qualifier se situe une boutique. Enfin, une boutique… un atelier plutôt. Mon atelier.

Un atelier de mécano tranquille où personne ne vient jamais. Enfin, il y a bien un client qui passe de temps à autre, mais c’est essentiellement grâce au bouche à oreille.


Aujourd’hui, jour quelconque, un client passe la porte. C’est un grand type à la peau brune presque noire enveloppé d’un manteau, ou plutôt d’une cape bleu de prusse. Il a une odeur épicée et respire à travers un foulard. Vu l’odeur de la rue, je ne lui en tient pas rigueur.

Je saute sur mes pattes et je m’approche. De mon air le plus professionnel je dis:


“Bonjour! Qu’est-ce j’peux faire pour vous?”


Il ouvre son vêtement, dévoilant un vide en lieu et place de son bras. Il s’attendait visiblement à une réaction, il a l’air étonné que je bronche pas.


“Ok! Je vois. Vous êtes prêt à payer combien?

— Combien ça me coûtera? -sort-il avec une voix tellement grave que ça va dans les infrasons.-

— J’repose ma question. Combien vous êtes prêt à payer? Vot’ bras sera en conséquence. Plus vous payerez cher, plus vous pourrez avoir un bras de bonne qualité. Alors?”


Il a pas l’air d’aimer la façon dont je le fixe. Après, c’est sûr que c’est pas tous les jours qu’on peut croiser une fille avec la moitié du corps semblable à celui d’un renard. P’t’être bien que c’est à cause de mes yeux qu’il est mal à l’aise. J’me les suis remplacés y a un an, en même temps que mes oreilles.


“Vous êtes capable de faire une prothèse qui ne se voit pas?

— Vous pouviez pas mieux tomber camarade! Je suis la pro du simili organique! La preuve, voyez mes pattes et mes pavillons, c’est du fait maison et on les croirait vrai, pas vrai?

— Vous… Vous vous êtes fait ça vous-même?! -il devient gris sourie noire-

— Ça vous débecte? Faut bien que je montre ce que je suis capable de faire, je suis ma vitrine à moi!

— Dix mille. -sort-il après s’être raclé la gorge. Il doit sûrement me prendre pour une tarée-

— Je peux vous faire une prothèse de base à ce prix là, pour une qui fait vrairitable faut au moins cinquante briques.

— Je… J’ai rien à perdre de toute façon…

— Bah si, cinquante briques! -je le fixe-

— Non, je… Rah, laissez tomber. Faites votre travail, je paierais en conséquence.

— Tope-là!”


Je lui tend une main. Il hésite à tendre la sienne. Moi j’ai pas le temps. Je chope sa grosse mimine et je le tire vers l’arrière du magasin. Pasque mine de rien, je vais pas laisser moisir un client pareil dans ce qui me sert d’entrepôt.

Oui, ça peut paraître bizarre mais la première chose que voient les types qui entrent chez moi, c’est là où j’met toutes les pièces pour mes œuvres. Pour la salle d’attente et d’essayage, faut être client et passer derrière. Alors là, les caisses, les mécaniques rouillées et la poussière font place à un joli salon bien coquet avec lumière tamisée, rideaux rouges et tout le toutim. Limite on se croirait dans un night club branché. J’aime bien l’effet que ça donne. En fait j’aime surtout les réactions des types qui entrent là dedans. Y en a, ça leur rappelle de bons souvenirs, pour d’autres, c’est l’endroit maudit qui fait peser la conscience. Mon manchot serait plutôt de la seconde catégorie. Il est recroquevillé sur son siège et sue à grande eau.

Je l’abandonne et me rend dans une troisième pièce. C’est là que j’assemble la marchandise et que je customise. Tout y est toujours propre et net, sinon pourrait y avoir des grains de sable dans les engrenages. J’y chope un mètre et je vais mesurer le bras que le gars a encore. Faudrait pas que je le rende plus difforme qu’il est.

Armée de la série de chiffres que je dépose sur un papier huileux et mes outils chéris, j’me mets au taf.

Y a pas à dire, je connaît mon taff. En trois tours de tournevis et deux de clé à molette, le squelette est posé. Y a plus qu’à lui donner de quoi bouger et un peu de chair avant la pose de la peau.

Pour bouger, suffit de quelques circuits hydrauliques et pour la chair, d’un peu de mousse comme celle qu’on trouve dans les peluches. Enfin, pour la peau, mon ingrédient secret, du silicone mélangé à un produit maison qui vient d’une planète de la ceinture d’Orion.

En deux temps pas trop de mouvement, la peau est posée. En cinq minutes et des bananes c’est sec et le client a eu à attendre que trois quart d’heure. Record battu!

J’lui pose l’objet. Il hurle. Évidemment, faut que la mécanique se relie au système nerveux et c’est pas super agréable. Mais peu importe. C’est super rapide et quand le bonhomme a fini de hurler, il bouge son bras, sa main et éclate de joie.

Il sort son disque bancaire et me paye avant de sortir en courant. J’sais pas si c’est la joie ou moi qui lui fait peur mais il court vite le bougre.


Tranquillement, je retourne au comptoir et je récupère le journal. En troisième page je reconnais mon type. En dessous de sa photo y a marqué:

“Un homme cambriole l’assurance bancaire et y perd un bras.”


Je hausse les épaules. Tant que je suis payée, je me fout de savoir ce que fait mon client. Question de principe, sinon je perdrais ma clientèle à coup sûr.




























© 2021 • Conditions générales d'utilisationsMentions légalesHaut de page