— Alors on est coincé, la porte est bloquée.

— Alqar tiniyn ! On s’est fait avoir comme des bleus !

— Bah ! ça sera jamais que la troisième fois.

— Oh, toi, n’en rajoute pas !”

La vaste pièce dans laquelle les deux êtres se trouvaient était une chambre froide où étaient entreposés des quartiers de viandes et du poisson destinés à la vente.

Le duo étrange s’était retrouvé là à la suite d’une course poursuite avec un suspect peu coopératif. Le soir commençait déjà à tomber quand ils s’étaient rendus chez lui pour l’interpeller et ils l’avaient poursuivi jusqu’à la nuit tombée avant de perdre un court instant leur proie de vue et de se faire pousser dans la pièce qui fut refermée bien trop vite pour qu’ils aient le temps de réagir.

Un beau fiasco que cette mission.

Le gobelin poussa un soupir.

“Ah ! Je m’en souviendrais de ce coup lĂ  ! Si je l’attrape cet paskiain…

— Si on s’en sort, parce qu’avec ce froid, si on vient pas nous ouvrir rapidement, c’est l’ashwiq esim assurĂ© !

— L’ashwiq quoi ?

— Le grand frisson” expliqua l’orĂ©ade. “La mort quoi !”

Se rendant compte de la situation, l’être verdâtre courut à la porte et tambourina avec toute la ferveur dont son petit corps était capable en criant au secours, la nymphe le regardant faire sans broncher. Quand il n’eut plus de voix et les mains en sang, le petit être se laissa glisser au sol.

“ça servait à rien de te mettre dans cet état.

— Peut-ĂŞtre que si vous m’aviez aidĂ©, ça aurait servi Ă  quelque chose !

— Non, absolument à rien.

— Et vous, qu’est-ce que vous faites, hein ? Vous restez lĂ , debout, sans rien faire depuis tout Ă  l’heure !

— J’essaie de me concentrer pour trouver une solution, mais avec le boucan que tu fais, c’est mission impossible. Saches, petit, que la plupart du temps, les muscles ne servent à rien, il faut se servir de sa tête.

— Ça nous a bien servi avec le suspect !” ironisa l’enquĂŞteur. “Et puis cessez de m'appeler “petit” ! Ma taille n’a aucune incidence sur mon travail !

— Je dis petit, parce que, pour moi, tu n’es qu’un morveux de plus.

— J’ai cinquante-six ans je vous ferai remarquer !

— C’est bien ce que je dis…

— Et puis-je savoir ce qui vous permet de dire cela, mâdame l’inspecteur ?!

— Le fait que j’ai deux cent trente-huit ans…

— Ah…”

Ils restèrent un moment silencieux, le gobelin faisant les cents pas en grelottant, la nymphe des sables restant de marbre, ou plutôt, étant donné les circonstances, de glace.

“Dis donc, l’afarit ! Tu pourrais pas t’arrĂŞter deux minutes ? Tu m’empĂŞche de me concentrer !

— L’afarit vous dis merde, inspecteur ! C’est le seul moyen que j’ai de me rĂ©chauffer et vous devriez en faire de mĂŞme ! … A moins que vous ne puissiez faire du feu…

— Qu’est-ce que c’est encore que ce prĂ©jugĂ© ?! C’est comme si je disais que tu habitais dans une grotte avec des centaines d’autres afarit !

— Vous pouvez pas en faire ?

— … Si… Mais je ne vois pas…” Elle resta un moment silencieuse, son subordonnĂ© commença Ă  se demander si elle n’avait pas le cerveau qui avait gelĂ© quand elle s’exclama : “Mais quelle iibiq, bien sĂ»r que je sais faire du feu !”

Elle se rua vers la porte et fit apparaître, en un claquement de doigt, une fine flamme au bout de son index. La flammèche prit peu à peu de l’intensité et adopta une couleur bleue incandescente. Avec elle, l’oréade fit petit à petit fondre la serrure, puis, une fois cela fait, elle poussa la porte avec un air triomphant.

“Et voilĂ  ! C’était pas plus difficile que ça !

— Z’auriez p-pu faire ça d-dès le d-dĂ©but non ?!

— Encore aurait-il fallu que je puisse me concentrer sans ĂŞtre sans cesse interrompue ! Allez ! Rentre chez toi , tu as besoin de repos !

— Et-et vous ?

— Je vais faire mon rapport et me faire remonter les bretelles par le patron, que veux-tu que je fasse d’autre ?”