L'Académie de Lu





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(par Zandra-Chan)
(Thème : dĂ©faite)



C’était l’été. Pourtant, le ciel était d’un noir opaque, l’air aussi froid qu’une lame et la lumière de la lune, toute aussi tranchante, découpait des silhouettes inquiétantes dans le sous-bois. Des silhouettes qui s’agitaient, fuyaient à l’approche des torches des villageois.

Six hommes, une femme. Six sentinelles improvisées aux aguets, une condamnée récalcitrante.

Elle ruait comme un cheval sauvage, hurlait dans son bâillon, pleurait sous son bandeau, se débattait tant qu’il fallait trois des hommes pour la traîner, la tirer tant bien que mal à travers la forêt sombre et glaciale.

Elle n’avait rien Ă  faire lĂ . Elle n’avait rien fait de mal. Elle avait seulement dit tout haut la vĂ©ritĂ© que tout le monde pensait tout bas : “les sacrifices sont inutiles”. Les rĂ©coltes avaient continuĂ© d’être aussi maigres que mauvaises, mĂŞme après l’offrande du meilleur grain Ă  la divinitĂ© des bois. Les chefs avaient voulu offrir un tribut plus important. Les meilleurs gibiers n’avaient rien changĂ©. Ils avaient insistĂ©, disant qu’il fallait quelque chose de plus lourd encore. Est-ce la faim qui les tiraillaient tous nuit et jour qui leur avait fait perdre la raison ? Quel homme sain d’esprit offrirait un nouveau-nĂ© ? La mère du petit s’était donnĂ©e la mort peu après et toutes les femmes du village craignait depuis pour leur enfant.


Un des gardes fit arrêter le cortège. Sa torche levée haute au-dessus de la tête, il semblait chercher à voir dans l’encre des ombres, au-delà de son petit cercle de lumière. Rien. Pour le moment. La marche repris.

La femme, Ă©puisĂ©e, ne remuait plus que de temps Ă  autres par principe. Ils Ă©taient trop loin dans la forĂŞt. MĂŞme si elle parvenait Ă  Ă©chapper Ă  ses bourreaux, elle ne saurait jamais retrouver le chemin du village. Et pour quoi faire, d’ailleurs ? Son mari ne l’avait pas dĂ©fendu. Ni elle, ni leur enfant qui avait Ă©tĂ© le second sacrifiĂ©. Elle ne trouverait au village que des regards rĂ©probateurs et d’autres bourreaux. Elle, la femme vaillante qui s’était battue toute sa vie pour offrir le meilleur Ă  tous, ne voyait plus d’issu. Elle qui ne s’était jamais laissĂ©e arrĂŞtĂ©e par les Ă©vĂ©nements ne savait plus quoi faire. C’était sa première dĂ©faite. La dernière aussi, sans doute.

De diable en furie, elle devint soudain un poids mort. Ses gardiens, surpris, durent la soutenir pour qu’elle ne s’effondre pas sur place. L’un d’eux plaça quelques doigts tremblants sur la gorge de la condamnée.

— Elle respire.

— Alors on continue.

Ils n’avaient pas fait dix pas qu’ils s’arrêtèrent à nouveau. Les trois torches venaient d’être soufflées, sans une once de vent. Pétrifiés, les hommes ne purent émettre le moindre son. Pas plus quand ils remarquèrent une silhouette approcher. Une ombre mouvante haute comme une maison, large comme une charrette, deux billes de lumière faisant office d’yeux dans les ténèbres étouffantes.

Quand enfin l’air trouva son chemin dans les poumons comprimés par la peur des villageois, ils abandonnèrent leurs torches, leurs fourches et la prisonnière sans demander leur reste. Ils disparurent bien vite dans le noir de la nuit en hurlant, effrayant nombre d’animaux nocturnes au passage.

La femme, restĂ©e au sol, ne savait que faire. Si les hommes avaient fui, devait-elle fuir elle aussi ? Mais pour ça, il faillait qu’elle puisse retirer son bandeau. Chose peut aisĂ©e, ses bras Ă©tant attachĂ©s dans son dos. Faire la morte alors ? La bouche rendue sèche par la panique, c’était ce qu’elle s’efforçait de faire, entendant ce “quelque chose” – qui avait fait dĂ©camper les hommes – tourner autour d’elle. Le pas Ă©tait lourd, mais maĂ®trisĂ©. Il s’arrĂŞta juste devant son visage.

Le bandeau glissa. Elle n’avait rien fait pour ; ne sentait aucune force en action dessus. Le tissu partait de lui-mĂŞme. Bien vite, elle pu voir devant elle. Elle leva la tĂŞte vers la masse sombre qui la surplombait. Ses yeux habituĂ©s aux tĂ©nèbres discernait des crocs, des cornes, un pelage. Et pourtant, les proportions Ă©taient indĂ©niablement humaines. Une voix rĂ©sonna dans son esprit.

— Vous allez bien ?




























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