L'Académie de Lu





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Academy Universe - ancien lore


Juste le temps d'un oeufs à la coque

(par Salander)
(Thème : nombre)



— Qu’est ce que tu fais ?

— Bah, des oeufs à la coque.

— Gros, tu fais des oeufs Ă  la coque Ă  4h du matin ?

— J’ai envie d’oeufs Ă  la coque, je fais des oeufs Ă  la coque !

— T’es trop défoncé pour compter trois minutes de toute façon.

Alexis grommelle au dessus de sa casserole, et je laisse ma tête tomber en arrière sur le dossier du canapé. La fumée danse au plafond pulsant aux rythme de la sono et des murmure. Je l’inspire profondément et me laisse happer par la léthargie de l’instant. Tout semble si lent. Les murs de mon cerveau sont trop épais et le temps a gonflé. Je patauge dans les secondes ne prenant conscience que par intermittence du monde autour.

Une mouche s’est posĂ©e sur le plafond orange. Mais qui peint son plafond en orange ?

— Oh, Rasmin, tu viens danser ?

Sandra s’approche de moi, les yeux dans le verre, le verre en vague. Elle tangue un peu mais sourit, alors je lui souris en retour et tend les bras pour l’accueillir. Mes mains se couvrent de sang quand une balle traverse son front d’un bout à l’autre.

— Sandra ?

Les cris emplissent la pièce, bientôt couvert par le tonnerre des bruits de pas de la foule qui explose. Les ballons colorés s’envolent, ils éclatent et se mélangent à la tempête ambiante. Et au milieu de la tornade Sandra est debout et me regarde. Son regard si heureux devient triste, et alors que son corps s’assombrit et se ratatine de son front coulent des filets de sang qui s’élèvent et grandissent. Au milieu du brouhaha, mes pensées sont assourdis par la buée. Je fixe Sandra qui se transforme en terre, et les tiges de son sang qui viennent fleurir au dessus de sa tête. Clignant brusquement des yeux par réflexe, je tressaute et me relève, un réveil sonne.

— J’ai envie d’oeufs Ă  la coque, je fais des oeufs Ă  la coque !

— Hein, quoi ?

Alexis grommelle au dessus de sa casserole, et je me redresse dans le canapé pour observer le monde autour de moi, paniqué. Mon coeur bat à contre temps avec la sono, et ma sueur vient se mêler à la fumée de la pièce. Elle danse au rythme des murmures et des déhanchés. Aspiré par une angoisse au fond de moi l’air s’engouffre dans mes poumons et je l’expire. Passant mes deux mains sur mon visage je renverse ma tête en arrière en reprenant mon souffle en reposant contre le dossier du siège.

Je n’ai rien fumĂ© ? Je n’ai laissĂ© personne s’approcher de mon verre ? Est-ce que je rĂŞve ?

L’air et lourd et mon crâne traine. Je rouvre les yeux face au monde au dessus de ma tête. Une mouche s’est posée sur le plafond orange.

Mais qui peint son plafond en orange ?

— Ă€ l’aide ! Mon ballon va accoucher ?

— Putain, quoi ?!

Ă€ peine ai-je eu le temps de me rĂ©veiller qu’une explosion retentit, suivie d’un dĂ©ferlement de pĂ©piement. Le monde orange s’est teint en bleu et la marĂ©e nous submerge. Tout autour de moi les ballons Ă©clatent, Ă©tirĂ©s de l’intĂ©rieur par des nuĂ©es d’oiseaux bleus qui percent de leur bec les parois de plastique qui les retiennent. Tout autour de moi des oiseaux apparaissent comme une mer gonflant ses eaux et se dĂ©verse. Un roulement de trilles stridentes et s’engouffre dans nos oreilles. L’ocĂ©an enfle et tire sur les murs orange. Ils se distordent et couinent, comme des parois de plastique. Nous sommes dans un ballon, et le monde va Ă©clater ! Prit d’un sursaut je me redresse, et le rĂ©veille sonne.

— J’ai envie d’oeufs Ă  la coque, je fais des oeufs Ă  la coque !

— Et comment tu vas les compter tes trois minutes ?

— Bah, avec ce rĂ©veil. Pourquoi ?

Et soudain je le vois. Un vieux réveille de grand mère qui me fixe depuis le comptoir de la cuisine. Voyant que je l’ignore, Alexis grommelle au dessus de sa casserole. Je ne me laisse plus aller dans le canapé, je me relève. Le monde tangue, j’ai des frissons, mais je ne rêve pas.

D’un pas décidé, je m’approche de la chose. La carrelage est blanc, et éblouit mes yeux. J’entre dans un autre instant. La musique s’étouffe.

Sur le comptoir, repose ce vieux réveille rouillé et raillant. Une boite d’oeuf, et un bocal de cornichon ouvert. De quoi faire des cocktail, et un reste de chips. Je m’apprête à saisir l’objet.

— Ne fait pas ça ! Tu vas briser le jeux.

— Hein ! Comment ça ? Qui me parle ? …

— LĂ , dans le bocal ! Nous sommes les cornichons.

— Mais des putains de cornichons ne parlent pas.

— Dans cette réalité si. Et tout peut exister, tant que le réveille est lancé.

— Des fleurs qui poussent du sang ? Des oiseaux dans des ballons ? Vous voulez inventer un monde en trois minutes !

Est-ce que d’autres personnes que moi les entendent ? Ă€ quel point est-ce que je suis ridicule Ă  fulminer devant ce bocal. Ma tĂŞte rĂ©sonne et tente de reprendre le contrĂ´le sur l’alcool. Tout mon corps se bat, et cherche Ă  comprendre et Ă  ne pas tomber dans des angoisses. Est-ce que je n’existe pas ?

— Trois minutes est un nombre. Il est impartial. Le temps n’est pas suspendu, discontinu, invisible, ou lent. Il est, et tant que le réveille est lancé, tout peut exister. Tout peut exister en trois minutes. Milles personnes peuvent mourir, venir au monde, ou tout détruire. Trois minutes, c’est plus qu’il n’en faut pour prendre des nouvelles d’un ami, ou discuter avec un légume.

— Mais là, qu’est-ce qui - …

Un immense silence coupa ma phrase, et quand je me retournait vers mes amis des poissons pendaient de leur bouches à la place de leurs langue. Les sons qui sortaient de la sono, ceux de leurs bruits de pas sur la parquet, ceux des gémissements qu’ils poussaient, s’étaient transformés en petites billes d’argent. Qui tombaient de leur provenance, et rebondissaient sur le sols, produisant d’autres sons qui n’étaient qu’un nuage de billes d’argent. Voulant crier pour leurs dire de se taire j’en produisis aussi, et bientôt le monde se noya sous des billes de silences, et le réveille sonna.

— J’ai envie d’oeufs Ă  la coque, je fais des oeufs Ă  la coque !

À peine avait-il eu le temps de finir sa phrase que le réveille était déjà écrasé avec une poêle.




























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