La semi-démone entra en trombe dans son bureau. Son assistant la regarda passer, prendre quelque chose dans un tiroir avant de s’apprêter à ressortir. Fasz soupira un grand coup.

“Dame Elliq, puis-je savoir où vous allez?

— A l’avant poste. Il faut que je sache comment cette horde elfe a pu passer les sentinelles et parvenir en ville sans encombres.

— Mais… Ce n’est pas notre travail !

— C’est celui de qui alors?

— Eh bien… De Varim, le chef de l’avant poste, je suppose.

— Quoi?! Ce type est une parodie à lui seul! Il serait incapable de retrouver son sabre dans un lupanard!

— Je pense que vous y allez un peu fort, là…

— Un peu fort?! Ha! Laisses moi rire. Il n’a obtenu son poste que parce que c’est un beau parleur qui sait tromper son monde.” Elle alla à la porte puis se retourna. “Tient, d’ailleurs, tu vas venir avec moi.

— Moi?! Mais…

— Il n’y a pas de mais, t’es plus pâle que le cul d’une goule! Faut te sortir un peu de temps en temps mon vieux.

— Je sortirais peut-être un peu plus si vous faisiez votre travail, magistrate.” ne put s’empêcher de dire le gobelin.

La jeune femme tiqua décidant cependant de ne pas prendre en compte cette remarque. Elle le prit par le bras et l’emmena à travers les couloirs et les escaliers jusqu’à une calèche dans laquelle elle le fit monter. Elle s’installa en face de son subordonné et donna trois coups sur le plafond de la voiture qui se mit immédiatement en branle.

Ils passèrent ainsi dix bonnes minutes dans le silence. Dran Elliq restait la figure vers la fenêtre, le regard perdu au loin. Elle semblait préoccupée. Fasz fini par le remarquer.

“ Quelque chose ne va pas, ma dame?

— Quoi?! Non, tout va bien, pourquoi ça n’irait pas?...” Elle lui adressa un sourire forcé. Voyant que le binoclard n’était pas convaincu, elle abdiqua. “J’ai parlé à l’un des elfes.

— Vous avez quoi?!

— J’ai parlé à un elfe! Qu’est-ce qu’il y a d'étonnant à ça?! C’est pas comme si c’était des dracs non plus… Ils ne faisaient que se défendre. Au début, ils venaient en paix mais comme la milice est mal informée sur eux, les gardes ont pris peur et les ont attaqués.

“De ce que j’ai compris quelqu’un dévaste leurs champs de fleurs depuis près d’un mois et ils sont venu demander réparation.

— Alors… En fait, on fait notre boulot… Pourquoi ne m'avez-vous pas expliqué tout ça dès le début?

— On aurait perdu du temps.”

Le reste du voyage se passa dans le silence le plus total seulement interrompu par un coursier venant de leur destination qui donna un parchemin à la jeune femme.

Les deux officiers de justice arrivèrent à l’avant poste à l’aube du jour suivant. Ils y furent accueillis par deux gardes aux armures dépolies qui discutaient sans faire attention à ce qu’il se passait autour. La métisse toussa. Les sentinelles baissèrent le regard sur la frêle créature se tenant devant lui, puis sur les oreilles vertes qui dépassaient de son dos.

“Qu’est-ce vous voulez les morpions?” Lança le plus grand qui devait bien faire 70 cm de plus qu’elle tandis que Fasz lui arrivait à peine aux genoux.

“Je suis Dran Elliq, magistrate d’Arcopia mandatée par le gouverneur Sourne. Je vous prie de bien vouloir m’annoncer à votre chef.”

Le soldat blêmit et s’exécuta aussi vite que possible tandis que la démone lançait un regard noir à son collègue.

Il ne fallut pas longtemps pour qu’un homme corpulent aux manières mielleuses vienne à sa rencontre.

“Quel plaisir d’accueillir une personne de votre rang parmis nous! Que me vaut le plaisir de votre visite?”

Dran le toisa un moment avant de répondre.

“Je viens vous arrêter pour dégradation de biens privés, incitation à la haine et à la révolte ainsi que manquement au protocole.

— Que… Quoi?!” S’exclamèrent chaque personne présente.

“Varim, vous êtes la personne la plus abjecte que je connaisse. Non seulement vous avez incité les elfes à la violence en détruisant leurs biens mais en plus vous les avez envoyés à une mort certaine en leur disant d’aller en ville. La seule question qui me reste c’est, pourquoi?

— Oh…” L’homme lui adressa un sourire libidineux. “C’est simple, pour le plaisir de voir cette engeance fétide se faire décimer… et le pouvoir.

— Bien, maintenant que ce point est éclairci, je vous prie de bien vouloir me suivre.

— Encore faut-il qu’il reste quelque chose à suivre.”

Le grossier personnage souffla dans un sifflet, faisant rappliquer six soldats tous moins avenants les uns que les autres.

La magistrate soupira et fit signe à Fasz de reculer.

“Vous ne gagnerez pas à ce jeu là…” Déclara-t-elle en se coupant les poignets.

Son sang se mit à couler, puis, soudain, il s’éleva et coagula jusqu’à former deux épées rouges étincelantes. En quelques passes d’armes, elle désarma ses adversaires tout en leur transperçant les mains. Au final, elle se retrouva derrière Varim, une dague en métal sous la gorge de l’immonde.

“Tu vois Varim, je suis la justice, tu m’as affronté, tu as perdu.”