L'Académie de Lu





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Vie et mort d'Ester


Une journée ordinaire

(par Ellumyne)
(Thème : chaussure)



Le soleil se lève sur la petite maison des Hardisson. Mais aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. La petite famille semble nerveuse et le papa s’agite dans tous les sens en faisant des allers retours de la chambre de ses enfants au salon. Que peut-il bien se passer ? LĂ  ! Le petit Jimmy Ă©merge du fond de son lit. Une petite tĂŞte aux cheveux frisĂ©s sort de sous la couette en baillant. Il ne semble pas avoir envie de se lever. De l’autre cĂ´tĂ© de la pièce, un grognement retentit. Tout comme son frère jumeau, Eliott se frotte les yeux en râlant.

Manifestement, le père a abandonnĂ© la bataille et c’est au tour de la maman de prendre le relai. Elle s’avance dans l’encadrement de la porte et hurle un unique mot Ă  ses enfants. Etrangement, cela suffit Ă  les rĂ©veiller complètement. En quelques secondes, ils sont debout et… que peuvent-ils bien faire ? Ils semblent se battre pour descendre au salon avant l’autre. Le plus fort mangera en premier. Cette bataille peut sembler futile car la nourriture est abondante pour cette espèce sĂ©dentaire qui n’a plus besoin de chasser. Mais ses membres ont malgrĂ© tout gardĂ© des rĂ©flexes ancestraux.

MalgrĂ© la prĂ©sence d’une dentition solide, le petit dĂ©jeuner se compose de cĂ©rĂ©ales au chocolat rĂ©duites en bouillie dans un bol de lait chaud très sucrĂ©. Aucun expert n’a encore trouvĂ© d’explication Ă  ce phĂ©nomène. Peut-ĂŞtre est-ce pour prĂ©server l’émail de leurs dents ? Ou bien est-ce une transition entre le lait maternel et la viande qu’ils mangeront lorsqu’ils seront adultes ? Toujours est-il qu’après avoir englouti leur repas comme si la nourriture allait manquer, puis une toilette sommaire que nous n’avons pas pu filmer Ă  cause de la petitesse de la pièce que nous nommons communĂ©ment « salle de bain », les membres de la famille maintenant accoutrĂ©s de morceaux de tissus cousus ensemble, diffĂ©rents ce que qu’ils portaient il y a encore une demi-heure, se mettent en position devant la porte de leur maisonnĂ©e. Attardons-nous un moment sur ce rituel.

Chacun des membres s’y prend d’une manière unique. Tout d’abord la maman. D’un geste gracile, elle glisse ses orteils dans un socle blanc constitué d’une partie qui enveloppe la forme de son pied. Et sous lequel une longue tige fine rehausse son talon. Puis, tel un flamand rose, elle se perche sur sa jambe déjà chaussée pour… Attention, elle perd l’équilibre. Non, tout va bien. Elle semble avoir l’habitude et, d’un mouvement expert, elle glisse son autre pied dans ses échasses. Le mystère reste entier quant à l’utilité de ces objets qui empêchent l’individu se de mouvoir correctement. Des chercheurs ont avancé l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’ornements servant à attirer des prétendants masculins. Mais cette femme semble avoir déjà fondé une famille, ce qui écarterait cette théorie.

Zoomons maintenant sur le père de famille. Les représentants masculins de cette espèce ne s’encombrent pas de chichis. D’un mouvement lent, chaque pied est enfoncé dans un mélange informe de tissus et plastiques collés ensemble, appelés chaussures, qui s’affaissent sous le poids de leur propriétaire. Cela permet à la peau fragile de leur voute plantaire d’être protégée des éléments extérieurs.

C’est maintenant au tour des enfants de se lancer dans ce rituel journalier. Les chamailleries vont bon train. Jimmy et Eliott se jaugent du regard et le soupir d’exaspération du père leur donne le top départ. Jimmy s’empare de sa paire de chaussures, et y introduit son premier pied. Eliott n’est pas en reste, mais il est légèrement en retard sur son frère, car il doit d’abord ôter deux lanières agrippantes avant de pouvoir se chausser. D’une main experte, la langue sortie en signe de concentration extrême, Jimmy fait des gestes cabalistiques avec les cordons de sa chaussure droite dans le but d’ajuster le tissu sur son pied. Eliott referme ses lanières qui s’accrochent toutes seules pendant que de son côté, Jimmy s’énerve sur un nœud compliqué qui ressemble aux ailes d’un papillon. Eliott gagne la première manche, mais…

— Quand est-ce qu’on mange ? J’ai la dalle moi ! s’exclama quelqu’un dans la salle de projection holographique.

— Bloubiboulga ! Reste concentrĂ© voyons ! Ce reportage est tout de mĂŞme intĂ©ressant, tu ne trouves pas ?

— Bloub…

— Grâce à notre journaliste de terrain, maintenant nous savons pourquoi leur chair est sucrée.

Les enfants ayant réussi à finir de s’habiller, les parents les emmenèrent jusqu’à un gros véhicule sur roues.

— Oh non, Bloubi ! Zut, Ă  cause de toi je n’ai pas suivi comment ils faisaient leur nĹ“ud là… A chaque fois que j’achète un gigot d’enfant, la ficelle me reste dans les dents.

— Bloub…

Les lumières de la salle se rallumèrent et les Blob se pressèrent vers la sortie, le ventre tiraillé par la faim après ce reportage des plus appétissants.




























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