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Schrödinger![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Couler avec les ricochets(par Salander)La salle était chaude et confortable. Le soleil plongeait sur la reine à travers les hautes fenêtres la surplombant, et les bruissement de la foule autour d’elle la berçait. Assise sur une chaise douce et rouge au centre de la pièce, elle était tranquille. Un serviteur s’approcha d’elle et fit couler dans sa tasse un thé chaud et noir. Le marteau du juge réclamant le silence fit onduler le liquide fumant entre ses doigts. Le son lancé sur le parquet avait ricoché jusqu’à sa tasse et s’enfonçait à présent dans le lac de sa mémoire.
— C’est moi qui ait encore gagné ! À moi les sandwich à la confiture !
— Pff, tu triches. C’est toi qui a toujours les cailloux les plus plats.
— La prochaine fois tu n’auras qu’à choisir plus vite que moi, mauvais perdant. S’amusa la fillette en s’élançant à travers les bois.
Elle avait sept ans et elle était libre. Loin de la cour et forte, elle courait la campagne et volait les goûters de son frère. Quelques que mois à peine avant qu’il se fasse assassiner dans son sommeil.
— Élise Médée Raphaëlle, Impératrice d’Yriam. Avez-vous entendu ma question ?
La reine releva son regard embrumé sur le juge face à elle. La foule avait recommencé à chuchoter et il tapa une nouvelle fois sur sa table. Sa majesté soupira.
— Je crois que ça a commencé quand j’avais huit ans monsieur le juge, des pulsions meurtrières. Rien de véritablement alarmant, enfin, sauf pour une femme évidement.
La tasse de thé était chaude, si chaude qu’elle lui brûlait les paumes. Mais l’odeur s’enroulait autour de ses doigts et remontait ses poignet blanc jusqu’à ses lèvres. Elle buvait cette odeur riche et amer comme pour chasser le goût du sang.
Jamais elle n’aurait pensé que sa vie allait changer du jour au lendemain. L’héritier du roi était mort, on avait donc ramené à la cour tous les bâtards que le roi avait eu avec ses maitresses. Élevée brusquement au rang de princesse et son frère au rang d’héritier, ils avaient dû cesser de se voir et elle cesser de caracoler entre les fougères et les arbres. Les robes étaient lourdes, et le parfum si fort.
— Vous savez Monsieur le juge, que je hais profondément votre habit, votre parfum, et votre voix. Comme j’ai hais profondément les robes, les parfums, et les voix des courtisanes et préceptrices qui firent mon éducation. À chaque heure du jour je réclamais du thé, pour m’enivrer de son parfum et rêver au ricochet. C’était le seul moyen monsieur le juge, et c’est en ce moment le seul moyen, pour me retenir de prendre la première arme qui passe et d’égorger chaque personne qui se dresse sur mon passage.
La reine releva son regard sombre sur la foule agitée et gronda.
— Me retenir d’abandonner mes robes et brûler ceux qui me méprisaient et méprisaient ma mère. J’ai toujours aimé gagner, et devenir votre poupée passive me donnait juste envie de vous rappeler ma puissance et retrouver ma liberté !
Un éclat de lumière traversa ses iris, et un sourire étira soudain doucement ses lèvres.
— Je gagnais toujours aux échecs autrefois contre mon frère. La seule fois où il m’a battu c’était lorsque je l’ai laissé gagner pour son anniversaire. Mais après la cour nous a séparé, et je n’ai plus eu le droit de jouer aux échecs…
— Majesté, je dois vous rappeler que vous comparaissez aujourd’hui pour meurtre. Si vous n’êtes pas capable de vous défendre reconnaissez votre culpabilité.
— Bien sûr monsieur le juge, bien sûr que je suis coupable…
— Alors je vous le répète madame : pourquoi l’avez vous tué ?
Mais sa majesté ne l’entendait plus, la pierre continuait de s’enfoncer dans sa mémoire. Et plus elle s’enfonçait plus elle faisait remonter des bulles de souvenirs qui éclataient dans son regard.
— Quand mon frère est mort, je savais qui était le coupable, tout le monde le savait. Mais personne ne dit rien car ça amusait bien les courtisans d’observer tous ces fils de putes s’entretuer pour devenir héritier. Et je hais le ciel de ne pas avoir échangé nos sexes entre moi et mon frère, car j’aurais exterminé mes concurrents jusqu’au dernier ! J’aurai battu le roi aux échecs, j’aurais gouverné, et j’aurais choisis ma femme. Je l’aurais dominé et me serais fait respecter, plutôt que d’être marié de force à un Empereur a crut pouvoir me traiter comme ça !
— Madame ! Ça ne répond pas à la question. Pourquoi l’avez-vous tué ?
À présent, un brouhaha avait envahi le public, et le juge ne faisait plus aucun effort pour l’interrompre. Mais la reine sourde haussa les épaules. Enfoncée dans le lac de sa mémoire au milieu des bulles qui l’accompagnaient pendant qu’elle coulait, elle saisit le souvenir de la douleur, et le broya dans sa main.
Le thé, le sang, et la porcelaine coulèrent sur sa robe et elle sourit de l’horreur qui traversa la foule.
— Parce que je hais cet enfant que j’ai accouché, et cet homme qui m’a violé. Je hais mon corps que vous prenez pour un outils et la puissance que cet enfant et cet homme veulent me voler ! Je vous hais tous pour votre mépris et la liberté que vous me refusez ! J’ai tué, et je tuerai à nouveau, si vous ne me tuez pas. Car vous m’étouffez depuis trop longtemps et je me noie !
La petite fille avait perdu la bataille de ricochet.
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