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![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() DĂ©fi d'Elinor (les contes de fĂ©es)
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JilanoAlhuin![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Une cité si parfaite(par Ellumyne)Dans le royaume de la Précision Rigoureusement Exacte, la vie suivait son cours. Chaque citoyen avait son propre rôle à jouer et aucun écart n’était admis. La police féérique veillait au grain pour que tout reste toujours précis, rigoureux et exact. Pour ce faire, elle disposait d’un quartier général placé pile au centre de la ville de Rigueur, à équidistance de l’école, du théâtre et du bar-café. Pourquoi, me direz- vous ? Mais parce que c’est dans ces lieux de débauche, que l’exubérance de certaines personnes déviantes devait le plus souvent être réfrénée. Avant que cela ne cause de dégâts irréversibles ! L’air dans la salle de réunion était lourd en ce début du mois de septembre. La dizaine de fées-lutines rassemblées autour de la table, qui tentait de se rafraichir en battant des ailes, ne faisaient qu’empirer la situation en réchauffant l’atmosphère ambiante. Leur cheffe tapa de sa petite main délicate sur la table et s’adressa à son équipe attentive. — Vous avez bien compris ? Ce nouveau système révolutionnaire va nous permettre de gagner un temps phénoménal ! Plus besoin de patrouiller en ville, tout est centralisé ici grâce à nos 2 534 caméras et 3 629 micros, ce qui nous permettra non seulement de géolocaliser en temps réel chaque contrevenant, mais en plus, d’avoir une preuve de leur méfait ignoble ! — Oui, cheffe ! s’extasièrent les fées, enjouées. — Alors en route ! Exterminez cette vermine pernicieuse ! Le groupe sortit de la pièce suffocante et s’éparpilla mi-sautillant, mi-volant avec une grâce propre aux fées-lutines et chacune se dirigea sans détour, et avec précision, vers sa nouvelle affectation. Car le travail devait être rigoureux et fait avec exactitude. Une clochette retentit et l’équipe de terrain, déjà prête à partir, s’élança en direction de l’établissement scolaire. — Qu’avons-nous là ? demanda fée Eric, curieux. — Un élève a demandé comment Pythagore avait découvert le théorème de Thalès et son professeur de mathématiques, au bord de l’apoplexie, s’est mis en tête de lui expliquer qu’il s’agissait de deux personnes différentes. Or, les cours d’histoire ne sont pas admis en maths. Il faut vite empêcher cette digression qui annihile toute progression des autres élèves ! expliqua fée Licité à son co-équipier novice. Tels deux missiles air-sol, ils traversèrent la fenêtre ouverte et entrèrent en trombe dans la salle de classe, faisant voler crayons et feuilles de papier lors de leur atterrissage peu académique. Mais le temps était compté, une autre mission leur était déjà confiée via leur oreillette. Alors sans perdre une minute, fée Licité sortit sa tablette, et pendant que son collègue prenait en charge le pauvre professeur, elle scanna les élèves stupéfaits. Sur l’écran, une aura couleur framboise entoura le petit garnement et le mot « cible » clignota, comme s’il pouvait subsister le moindre doute sur l’identité du coupable. La petite fée sortit sa baguette magique et pointa l’étoile lumineuse en direction de sa victime. D’un mouvement sec du poignet, elle en sorti un filet chatoyant qui serpenta jusqu’à la bouche du gamin trop bavard et le bâillonna sans lui laisser la moindre échappatoire. Au vu de son jeune âge, et de la gravité de sa faute, cela en resterait là pour lui aujourd’hui et il serait libéré de ses liens à la sortie des classes. Mais que cela ne lui reprenne pas, ou la justice sera moins clémente ! — Siuntriangleestrectangle,lecarrédelalongueurdel’hypoténuseestégalà lasommedescarrésdeslon-gueursdesdeuxautrescôtés, ânonna le professeur d’une voix lénifiante. — Qu’est-ce que t’as fichu Eric ? On dirait un robot empaillé ! — Ouais, ben ce tutu est trop serré à cause de mes pectoraux ! En voulant sortir un peu de poussière d’étoiles de ma poche microscopique, ça lui a explosé à la figure… J’y peux rien, ok ? Au moins, il suivra le programme à la lettre durant les trois prochaines semaines et nous on sera tranquilles ! — C’est pas vrai ! Tu vas quand même pas faire foirer notre première mission en binôme ! s’insurgea Licité, désespérée. Un grésillement stoppa net leur conversation et une voix s’éleva dans leur système de communication sophistiqué. — Equipe 6, on vous attend au théâtre de la Brièveté depuis cinq minutes. Vous attendez quoi ? Que le soleil soit couché ? — Bien reçu, fée Rocité, on s’y rend immédiatement ! répondit Licité en esquissant un salut militaire. D’un coup de talon, elle s’envola dans les airs et fonça vers l’autre bout de la ville. Son camarade, quant à lui, voleta comme une âme en peine vers la fenêtre, grimpa sur le rebord et se laissa tomber dans le vide pour prendre son envol. Ses escarpins scintillants étaient sensés lui donner la propulsion d’une fusée, mais les ampoules qu’il avait aux gros orteils lui avait ôté toute envie de tester le mécanisme. Il fulmina dans sa barbe contre l’obligation du port de l’uniforme et battit des ailes aussi vite qu’il le pouvait pour rejoindre sa coéquipière avant qu’elle ne se rende compte de son retard inacceptable. Mais ce qu’il découvrit en arrivant le laissa pantois. Une scène de guerre se déroulait sous ses yeux. Licité hurlait des ordres à d’autres équipes appelées en renfort. Une pagaille monstre où personne ne comprenait plus rien à ce qui se passait et chacun tentait de bien faire, tantôt à coup de baguette magique, tantôt à coup de poussière d’étoiles. Des rayons fusaient de toutes parts, touchant les humains déviants, mais parfois aussi les fées, qui dotées d’un regain d’exactitude rigoureusement précise, lançaient à leur tour des sorts ou de la poudre multicolore. — Mais… murmura Eric, abasourdi. — Ah bah t’es là , toi ! s’égosilla Licité. Aide-nous au lieu de rêvasser inutilement ! — Je veux bien, mais je ne comprends rien à ce qu’il se passe… C’est de la folie furieuse… — Après avoir, semblent-t-ils, étés déçus par une représentation rigoureusement précise d’Hamlet, ce groupe de jeunes a décidé d’envahir la scène pour se lancer dans du théâtre d’improvisation ! D’improvisation ! s’étrangla la petite fée. Te rends-tu compte du niveau de digression nécessaire à cette dépravation honteuse, cette ignominie abjecte ? Qui jette l’opprobre et le déshonneur sur notre citée si belle et ordonnée ? Avant que son flux continu de paroles ne l’étouffe, un nouveau grésillement dans leur oreillette les fit sursauter et elle se tut pour écouter les instructions. Malgré l’heure encore matinale, un vieil homme avait bu un coup de trop au café du Cercle Rond, et commençait doucement à déblatérer sur sa vie passée, en abreuvant son auditoire de détails sur sa jeunesse oubliée. Cela aurait pu passer inaperçu, s’il ne sautait pas du coq à l’âne au gré de son hoquet incontrôlable. — En route… gémit Licité qui semblait déjà épuisée par leurs nombreuses missions qui s’enchainaient sans aucun répit. Equipes 4 et 8, nettoyez-moi tout ça… Roméo et Juliette doit-être joué à 14 h et il faut que tout soit d’une propreté extrême. Battant des ailes plus faiblement qu’à l’accoutumée, la fée prit de la hauteur et se dirigea vers sa prochaine destination. Mais à peine eurent-il fait quelques mètres qu’un contrordre les fit dévier de leur trajectoire. Non loin, au cœur du parc du Sapin Triangulaire, un jeune couple avait tenté de se soustraire aux caméras de surveillance en installant une nappe de pique-nique en dehors des allées bien délimitées et des bancs publics alignés au cordeau. Mais c’était sans compter un petit micro dissimulé au creux d’un arbre qui enregistrait des bribes de leur conversation entrecoupée de bruissement de feuilles intempestifs. — Mon amour, tes yeux bleus sont un océan dans lequel je souhaite me noyer pour l’éternité, déclara un jeune homme en tenant la main de sa petite amie dont les pommettes étaient roses. — Oh, Tommy, je t’aime, mais ma mère m’attend à la maison et après, je dois sortir le chien, et… s’interrompit la jeune fille dont le cœur battait avec férocité. — Voudrais-tu m’accompagner au cinéma ce week-end ? proposa le garçon, toujours optimiste. — Oh oui, répondit-elle, enchantée. — Embrasse-m… souffla-il, mais sa question mourut sur ses lèvres qui gonflèrent brusquement quand une étoile lumineuse les percuta de plein fouet, laissant couler un filet de sang carmin. — De la cohérence, saperlipopette ! vitupéra Licité. De la suite dans les idées ! De l’harmonie ! C’est quoi ces histoires d’océan… de chien… de cinéma… Tu crois vraiment qu’elle va te faire un bisou avec ton cerveau malade qui dérive comme ça ? Toute cette mascarade est absolument honteuse ! — Calme-toi, voyons, s’interposa Eric en triturant maladroitement la tulle de son tutu qui le grattait terriblement. Ils ont l’air si innocents… Mais le mal était fait. Le jeune amoureux coupé dans son élan darda sur la fée un regard aussi noir que la profondeur des abysses. Cette dernière se figea, soudainement peu sûre d’elle. Et alors qu’elle cherchait de l’aide dans les yeux de son coéquipier, une main plongea dans sa direction. Craignant pour sa vie, elle hurla à pleins poumons. Un craquement sonore retentit dans tout le parc quand la petite baguette magique fut cassée en deux, puis sauvagement piétinée par un talon rageur. Des jets de lumière fusèrent de toutes parts, ricochèrent sur les arbres, décapitèrent des pissenlits avant de s’élever vers le ciel en crépitant, telle une nuée de feux d’artifices sauvages. — Laissez-nous vivre ! implora, plus que ne menaça le jeune homme, dont les larmes mouillaient ses yeux perçants. Cette simple phrase percuta Licité de plein fouet, aussi fort que si elle avait foncé dans un mur à pleine vitesse. Désarçonnée parce qu’elle venait de vivre, démunie face à tant de sincérité, elle remit sa vie entière en question. Quel était exactement son rôle dans cette société en constante évolution ? Au loin, d’autres fées-lutines arrivaient, attirées par vacarme. Toutes gardèrent le silence. Même fée Rocité, qui avait tout entendu du fond de son QG, ne pipait mot, elle qui aimait pourtant titiller les troupes sur le terrain. L’ordre fut donné de rentrer à la base. Une nouvelle réunion s’imposait. D’une urgence vitale ! |