L'Académie de Lu





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(par Zandra-Chan)
(Thème : digression)



— Ah… soupire-t-elle. Si tu savais comme j’ai eu peur… Ma toute petite…

Roukia resserre sur moi son étreinte. Je ne peux m’empêcher de noter que ses bras sont osseux tant elle est maigre.


Je suis une Organique. Ă€ 100%. Raison pour laquelle on m’a toujours mise Ă  l’écart. Au mieux, je n’existais pas ; au pire, j’étais la cible de moqueries et de mauvaises blagues. En classe, ça a toujours Ă©tĂ© comme ça, aussi loin que je me souvienne. Ă€ l’orphelinat… ce sont les intendantes qui avaient tendance Ă  me regarder comme si j’étais une tâche dans le dĂ©cor. Au dĂ©but, ça faisait mal. Avec le temps, j’ai rĂ©ussi Ă  ne plus y prĂŞter attention, Ă  les ignorer – au moins en surface. J’ai surtout compris que s’en plaindre, Ă  qui que ce soit, ne m’apportait que davantage d’ennuis. Alors je me suis faite “transparente”.

Du coup, devenir le centre d’attention d’un couple arrivé hier bouscule tout. Je ne peux plus rester dans l’ombre des autres, me fondre dans la masse, faire partie du flou global.

Je ne sais pas quoi dire, quoi faire, comment réagir. Et ne pas savoir m’agace et m’effraie. Rodérick – le compagnon de Roukia – l’a sans doute remarqué. C’est pourquoi il me supplie en silence de composer avec sa femme… à mon goût un brin trop tactile.

— Ah… soupire-t-elle encore. J’ai eu si peur… J’ai cru t’avoir perdue, ma fille chérie…

Elle s’écarte enfin de moi pour m’attraper par les épaules et ancrer dans le mien son regard humide et brumeux.

— Promets-moi que tu ne disparaîtras plus comme ça… Ne laisse plus ta maman si inquiète.

Ma mâchoire se crispe malgré moi. Par angoisse de dire quelque chose de travers. Mes yeux cherchent ceux de Rodérick. Il semble au bord des larmes, lui aussi. Si je n’avais pas eu un semblant de contexte hier soir, j’aurais sans doute trouvé le couple carrément cinglé.


Quand ils sont arrivĂ©s Ă  la planque hier soir, ils m’avaient l’air de deux cadavres ambulants. Deux âmes qui existaient encore, plus par accident que parce qu’elles survivaient volontairement. Jusqu’à ce qu’ils m’aperçoivent. La femme, Roukia, s’est prĂ©cipitĂ©e vers moi en m’appelant “Elena” Ă  plusieurs reprises avant de sombrer soudain dans l’inconscience. Son Ă©poux, RodĂ©rick – après un moment de choc et s’être assurĂ© du bien ĂŞtre de sa compagne – m’a alors expliquĂ© que j’étais la copie conforme de leur fille, Elena. Elena qui serait morte sous leurs yeux, dĂ©chiquetĂ©e par un cyborg. Roukia refusait la vĂ©ritĂ© ; son mental en souffrait depuis. Et cet homme, que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam, m’a demandĂ© de jouer le rĂ´le de leur fille perdue.


Roukia me fixe toujours, attendant ma réponse. Quelque chose dans ses yeux hagards me fait peur. Je sais, je vois qu’elle a déjà perdu les pédales, qu’elle me voit comme une bouée de secours. Mais je me sens bien incapable de faire office de support émotionnel pour cette femme malade.

— Euh… Je…, je bredouille d’une voix hésitante.

De peur de dire une ânerie, je préfère me contenter de hocher la tête. Cela semble suffire. Elle arbore alors un grand sourire avant de me presser à nouveau contre elle. Je sens les poils de ma nuque se hérisser. Mon envie première est de la pousser, la repousser. Je n’aime pas le contact. Plus encore de gens qui me sont inconnus. Mais je sens à sa douceur ce que je représente pour elle, là maintenant. Mon cœur se serre. Lui mentir, même par omission, me fait déjà mal. Je ne suis pas un modèle de vertu, mais même moi, je n’ai pas le courage de trahir sa confiance aveugle.

Et alors que je cherchais Rodérick – qui a l’air d’avoir un peu plus les pieds sur Terre – du regard pour lui demander de l’aide, le voilà qui s’approche pour nous englober toutes les deux.

Je ne sais pas ce qui me retient d’imploser sur place. Une chose est sĂ»re : si j’essaie de dire quelque chose, ça va sortir sous la forme d’un hurlement Ă©tranglĂ©.

Les prochains jours s’annoncent… longs.




























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