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Faucheuse![]() Spectacles![]() ![]() Du monde. Du monde partout, à parte de vue, arrivant en colonnes et se mêlant à la foule déjà amassée. Tellement de monde que les jolis nuages blancs sous leurs pieds sont à peines visibles, leur rayonnement divin étouffé par la masse de corps et de vêtements. Le brouhaha est constant, émaillé ça et là de quelques disputes qui n’évitent de finir en pugilat que parce qu’il n’y pas la place pour se battre. Alors, les invectives pleuvent, les débats théologiques se règlent à celui qui gueule le plus fort, et ceux qui sont trop déboussolés pour participer au bruit ambiant se contentent de dévisager les grilles infinies qui s’étendent d’un bout à l’autre de l’horizon. Des grilles dorées, très joliment forgées, agrémentées de statues étincelantes dominant sans peine la foule, mais des grilles fermées quand même. Derrière, on peut voir dans le fond un bâtiment immense, à la façade couverte d’une enfilade de portes innombrables. Et, entre les deux structures, une petite guérite, abritant un bureau pourvu d’un micro, une chaise, une photocopieuse et une microscopique poubelle. Soudain résonne un fracas de tonnerre, qui met fin à toute conversation. Un fracas de tonnerre qui ressemble fort à un bruit de porte qui s’ouvre, pour les oreilles averties. Tous les regards se posent sur la grille, dans silence attentif, s’attendant à les voir majestueusement s’ouvrir, et laisser la foule entrer dans ce nirvana qu’ils se voient déjà toucher du doigt. Au lieu de ça, c’est une petite trappe qui s’ouvre au milieu des nuages, de l’autre côté des barreaux. Il lui faut bien vingt minutes pour s’ouvrir dans un crissement de tous les diables, entrecoupé de pétarades qui ont plus l’air de toussotements gênés de quelque entité mortifiée de l’échec de son petit effet. Et quand enfin la trappe a enfin daigné libérer le passage, n’en sort qu’un petit homme à l’air blasé, dont les pas résonnent sur les marches dans un silence de mort. Puis le brouhaha reprend de plus belle, demandant cette fois des explications à l’individu qui fait la sourde oreille. Sans se presser, le voilà qui entre dans la guérite et s’y installe, après avoir bien refermé la porte derrière lui. Pas bien grand ni bien vigoureux, un visage sans âge affichant une expression d’ennui profond derrière ses lunettes carrées, le voilà qui prend une grande inspiration, puis appuie sur le bouton ON de son micro.
???, d’une voix nasillarde et monotone: Silence, s’il vous plait.
Puis le voilà qui sort un journal et une tasse de café d’on ne sait où, avant de s’installer confortablement dans son siège sans même se préoccuper de savoir s’il est écouté. En face, la foule est divisée. Ceux qui l’ont entendu se regardent, perplexes, et commencent à relayer le message. Ceux qui ne l’ont pas entendu, et ils sont bien plus nombreux, s’égosillent à qui mieux mieux, demandant à ce qu’on les laisse passer, ou qu’on leur explique la situation.
???, toujours aussi peu investi: On ne commencera pas avant que vous fassiez silence. Ce ne sont pas de conditions de travail et je n’ai pas envie de me répéter. Est-ce que quelqu’un a un mot en six lettres : « Attache pour plaies ou papier » ?
De l’autre côté des grilles, la situation évolue, entre ceux qui l’ont entendu, et ceux qui ne l’ont pas entendu. Alors que le message se répand parmi les seconds, les premiers commencent à en avoir sérieusement ras la casquette, le turban, la kippa, le fez, la chapka, le bonnet, et de manière générale tout ce qui se fait en terme de couvre-chef, et commencent à demander des explications, de plus en plus bruyamment. Ce qui, bien sûr, n’arrange en rien la situation.
???, toujours aussi peu investi: Ah ! J’ai trouvé. (Il boit une gorgée de café.) C’est drôle, j’ai toujours cru qu’il y avait deux f à ce mot.
Soudain, les statues postées le long de la grille s’animent, et frappent le sol de leurs armes dans un boucan effroyable. Ce qui a pour effet de faire sursauter tout le monde, à l’exception du petit homme imperturbable, et d’amener enfin un silence bienvenu. Il y en a bien deux-trois qui s’exclament de béatitude, et d’autres qui râlent parce qu’ils ne peuvent pas se prosterner avec tout ce monde, mais au moins il n’y a plus un bruit, à part celui de la photocopieuse qui donne l’impression d’avoir avalé un chat. Après quelques minutes de ce silence, le petit homme dans sa guérite daigne enfin lever les yeux de son journal.
???, de sa voix traînante et sans timbre: Enfin. On va enfin pouvoir commencer. La direction tient à s’excuser des désagréments entraînés par le retard de nos services. L’imprimante était en panne, et impossible de remettre la main sur Gutenberg. En plus de ça, on avait plus de café. Bref, passons. (Il boit une longue gorgée de café, lentement.) Bon. Je ne me présenterai pas, ce serait inutile…
HOMME, sur le point de défaillir: Alors c’est bien vous ! Êtes-vous Saint-Pierre ?!
???, toujours sans émotions: Moi ? Ha. Ha. Vous êtes hilarant. Est-ce que j’ai l’air d’un portier ? Bien, ne traînons pas, nous n’avons pas l’éternité. Enfin, vous, si, mais moi je fais déjà bien trop d’heures supplémentaires. Non payées. J’espère que vous avez bien vos papiers.
VOIX DANS LA FOULE : N-nos papiers ?
???: Bien sûr. Vous n’êtes pas venus sans, j’espère ? (Il promène un regard sur la foule dépitée, et soupire.) Parfait. Vraiment parfait. (Il pianote sur les touches d’un téléphone posé là .) Géraldine ? Trouvez-moi des agrafes. Et du papier. Il va m’en manquer. (Il raccroche sans attendre la réponse.)
(version non définitive) |