L'Académie de Lu





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Academy Universe - ancien lore


(par Zandra-Chan)
(Thème : rĂ©gal)



Lize fronça imperceptiblement les sourcils d’incompréhension quand Karen lui donna une troisième assiette à poser sur la table. Interloquée, la petite semi-humaine leva les yeux vers la guerrière. Loin de donner une explication, la femme souriante ajouta même au trouble de sa nouvelle protégée en lui confiant une cuillère dans l’autre main. Lize observa tour à tour l’écuelle et le couvert unique, perdue. Les lèvres ouvertes sur une question muette, elle posa à nouveau son regard sur Karen. Cette dernière lui sourit de plus belle.

— Aller… fit-elle doucement, en poussant avec délicatesse la jeune fille vers la table. J’amène les gobelets, tu peux aller t’asseoir.

La demi-lĂ©zard fit quelques pas… et s’arrĂŞta, Ă©berluĂ©e. Elle avait peur d’avoir compris. Ou plutĂ´t, d’avoir mal compris. La femme aux cheveux rouge ne pouvait pas insinuer qu’elle – une non humaine – allait manger, non seulement en mĂŞme temps, mais en plus Ă  la mĂŞme table que ses nouveaux maĂ®tres ? Impossible ! Inconcevable !

En proie à la panique, elle plaça malgré tout le couvert à l’emplacement désigné. Sitôt fait, elle courut se recroqueviller dans un coin de la petite chambre d’auberge, sa large queue écailleuse pressée contre ses pattes digitigrades.

Non, ce couvert ne pouvait pas être pour elle. Ses maîtres devaient attendre un invité. Il ne pouvait en être autrement. Elle inspira profondément pour retrouver son calme. Oui, cela devait être ça. C’était même probablement la raison pour laquelle maître Damian n’était pas encore rentré.

Ayant fini de remettre de l’ordre dans son paquetage, Karen pivota vers la table. Lize lu une surprise sincère dans son regard… et la panique gagna Ă  nouveau la semi-humaine. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Avait-elle mal fait ce qu’on lui avait demandĂ© ? Allait-elle se faire battre pour son erreur ? Lize n’aimait pas la douleur, mais l’avait acceptĂ©e depuis longtemps. Aussi, baissa-t-elle la tĂŞte, les yeux fermement clos, s’attendant Ă  recevoir une punition.

— … et ben ? Qu’est-ce que tu fais lĂ  ?

La jeune fille muette ouvrit craintivement un œil. La chevelure de feu de Karen perçait même à travers l’ombre de ses mèches noires bien trop longues. La guerrière était là, accroupie devant elle, et ne bougeait pas.


Lize se dandinait sur sa chaise quand Damian entra enfin. Le grand bonhomme était déjà intimidant de par sa stature et sa barbe fournie, mais le voir ainsi fulminant le rendait presque aussi effrayant que l’ogre affronté la veille. La fille-lézard dû se faire violence pour ne pas quitter sa place et aller se réfugier dans un coin, là où elle estimait qu’elle aurait dû se trouver.

— T’en as mis du temps ! s’exclama Karen en se levant, une pointe d’inquiĂ©tude dans la voix. Qu’est-ce qu’il s’est passĂ© ?

— Il s’est passĂ© qu’on est dans une contrĂ©e de racistes arriĂ©rĂ©s qui ne comprennent pas que, peu importe qu’on soit humain ou pas, on a tous besoin de manger un repas complet !

— Ah… oui… Encore… Parlant de ça…

Karen se retourna vers sa protégée, faisant tressauter cette dernière.

— Damian, quel est notre statut par rapport à Lize, demanda-t-elle sans regarder son interlocuteur.

Le soigneur intimidant haussa un sourcil fourni.

— … On est ses… gardiens, non ?

— Un autre mot, fit son épouse au tac-au-tac.

— Eum… ses tuteurs ?

— Autre chose ?

— Ses responsables ? Mais tu veux en venir oĂą, lĂ  ?

Elle lui lança un sourire par-dessus l’épaule avant de revenir vers Lize et se mettre à sa hauteur.

— Tu vois ? Pas de “maĂ®tre” ou de “propriĂ©taire”. Pas avec nous. Donc tu as le droit d’être Ă  table. D’accord ?

La semi-humaine cligna des yeux. Une fois. Deux fois. Elle n'arrivait pas Ă  assimiler l’idĂ©e. N’était-elle pas un ĂŞtre infĂ©rieur ? Une sous-race qui devait s’estimer heureuse de seulement pouvoir cĂ´toyer la race dominante ?

Ses pupilles en fente passèrent de la guerrière à la crinière de feu au soigneur aux allures de barbare, l’interrogeant du regard. Celui-ci ne répondit pas. À la place, il approcha de son pas rapide. La petite semi-humaine se tassa sur son assise, anxieuse.

Elle avait eu deux maîtres avant ceux-là. Et si l’un était une brute qui ne s’encombrait d’aucune subtilité et la frappait en l’abreuvant d’insultes quand bon lui semblait, Lize n’avait pas oublié le premier, un homme sournois qui aimait sourire avant de cogner sans prévenir, physiquement ou émotionnellement. La demi-lézard avait peur que la guerrière souriante ne se montre soudain violente, que son époux ne la batte sans raison, que leur amabilité à tous les deux ne soit qu’une façade, une tromperie.

Aussi, c’est avec stupéfaction qu’elle observa le grand soigneur distribuer des portions équitables dans les trois assiettes posées sur la table. Il ajouta même, près de celle de la jeune fille, une petite barquette de fraises.

— Bon appétit, dit-il sobrement en ajustant son siège.

Lize scruta la barquette, la guerrière souriante Ă  sa droite, puis un Damian impassible qui lui faisait face. Le couple l’observait en retour. Attendaient-ils qu’elle cède Ă  l’envie ? Qu’elle fasse l’erreur de manger ce qui ne lui Ă©tait pas destinĂ© pour mieux la punir ensuite ? Elle Ă©tait dĂ©jĂ  tombĂ©e dans le piège une fois ; elle se garderait bien de recommencer.

— Tu n’aimes pas les fraises ? s’enquit Karen.

La muette sursauta. Trop pressée de répondre à grands renforts de gestes des mains, elle percuta la table si fort qu’elle manqua de renverser les timbales remplies d’eau.

— Oh lĂ  ! Doucement ! s’exclama la guerrière en stabilisant le broc d’eau. Ça va ? Tu ne t’es pas fait mal ?

La question l’avait figée sur place. La semi-humaine ne comprenait pas que l’on puisse s’inquiéter pour elle, plus encore pour une douleur aussi bénigne. Damian se leva sans piper mot pour venir s’agenouiller au côté de sa protégée. De son air sérieux, il ausculta rapidement la jeune fille. Terrorisée par le bonhomme, elle se laissa faire.

— Tu auras sans doute un petit bleu.

Il ancra ses yeux clairs dans ceux qui se cachaient derrière un rideau de mèches.

— Quand j’aurais assez récupéré de magie demain, je te soignerai. De tout. C’est promis.

Les yeux ronds, elle le dévisageait, déroutée. Elle ne ressentait pas une once d’hostilité, ni ne trouvait trace de mensonge dans ces belles paroles. Mais ce qu’il promettait était bien trop beau pour être vrai.

— Demain, on fêtera ton arrivée avec nous comme il se doit. Mais pour l’instant, mange. Tu en as besoin.

Il rapprocha la barquette de fruits rouges.

— Et oui, c’est pour toi.

Sur ces quelques mots, il retourna s’asseoir pour commencer à manger. Karen l’imita, non sans jeter de fréquents coups d’œil à la jeune fille. L’observée, poussée par son ventre grondant, osa entamer son assiette à son tour.


Jamais un repas ne lui avait semblé si délicieusement succulent. Peu importait ce qu’il y avait dans son écuelle. C’était forcément un régal, puisque ce repas lui était destiné.




























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